Marie Madeleine, apôtre des apôtres

Image extraite du «Secrets d'Histoire» diffusé ce mercredi sur France 3 © France 3/SEP
Alice Kriescher Journaliste

Ce mercredi à 21h10 sur France 3 dans «Secrets d’Histoire», Stéphane Bern nous plonge dans le mystère qui entoure Marie de Magdala ou Marie Madeleine, personnage biblique fascinant et proche de Jésus.

Amie intime ou amante de Jésus ? Ancienne prostituée ? Synthèse de différentes figures bibliques ? Force est de constater que Marie Madeleine ne possède pas le même rôle en fonction des auteurs qui la dépeignent. Tentons de décrypter le vrai de la légende.

Sept démons

Au Ier siècle, suivre un prédicateur à travers toute la Galilée, pour une femme, forcément soumise à l’autorité de son mari ou de son père, n’est pas chose courante. Parmi les rares accompagnantes de Jésus, Marie de Magdala ou Marie Madeleine. Si elle apparaît treize fois dans les Évangiles canoniques, reconnus par la plupart des Églises chrétiennes, nous en savons peu sur sa biographie. Sa situation familiale est très floue, d’autant plus qu’elle est mentionnée en son nom propre et non, comme c’était souvent le cas lorsque l’on évoquait une femme dans ces textes, en qualité de «mère, sœur ou femme de». L’une des rares indications la concernant est donnée par Luc (8, 1-3) : «de laquelle étaient sortis sept démons», phrase qui fut ô combien sujette à interprétations. Longtemps comprise comme une métaphore pour des péchés repentis, aujourd’hui, le consensus parle plutôt d’une guérison miraculeuse. Dans la Bible, les «démons» sont, en effet, généralement évoqués pour décrire un mal inconnu dont on ne peut être délivré que par le Christ.

Témoin privilégié

Intégrée dans le cercle rapproché de Jésus, c’est pourtant après la crucifixion et la mort du Christ que Marie Madeleine va devenir un personnage essentiel. Non seulement présente au pied de la croix et lors de l’ensevelissement, elle est tout simplement le premier témoin du mystère pascal, seule selon Jean ; en compagnie d’autres femmes si l’on en croit Matthieu, Marc et Luc. Dans le fond, peu importe, car ce qui lui confère un rôle plus que central est d’être choisie par Jésus pour annoncer sa résurrection aux autres et, ainsi, devenir l’apôtre des apôtres. «Ce que confie Jésus à Marie Madeleine est le cœur même du christianisme : l’annonce de sa résurrection et l’ouverture de la fraternité universelle», affirme l’essayiste Christine Pedotti, citée par Le Monde, dans «Jésus, l’homme qui préférait les femmes» (2018, Éd. Albin Michel).

Pécheresse repentie ?

De simple proche de Jésus à femme fatale… Comment Marie Madeleine, au fil des siècles, est-elle devenue cette femme aux multiples visages ? Le suspect numéro 1 de ce revirement est le pape Grégoire le Grand (540-604) qui, lors d’un sermon sur la pénitence devenu célèbre, a mélangé différentes figures des Évangiles : Marie de Magdala, Marie, la sœur de Marthe et Lazare et la «pécheresse» qui fait irruption lors d’un banquet pour laver les pieds de Jésus. «Alors que les Pères grecs distinguaient Marie Madeleine des autres», décrypte Chantal Reynier, professeure d’exégèse biblique, dans les pages du Monde, «le Pape imposa à l’Église les trois figures comme un seul et unique personnage dans lequel s’expriment le repentir des péchés après une vie dissolue, le détachement des richesses ainsi que l’intimité avec Jésus et la fidélité absolue.»

Syndrome d’une époque

L’autre légende à la peau dure est l’idée que Marie Madeleine fut l’épouse de Jésus. À l’origine de cette thèse, beaucoup d’écrits apocryphes rejetés par la plupart des Églises chrétiennes. En 1982, des journalistes anglophones apportent de l’eau au moulin de cette théorie en publiant «L’Énigme sacrée». Dans cet ouvrage, qui n’est pas qualifié de roman, on peut lire que les rois de France seraient les descendants de Marie de Magdala et de Jésus. «Une pseudo-enquête raillée par les historiens qui se sont donné la peine de le lire», indique Le Monde. «Le succès de ces théories nous renseigne avant tout sur notre époque et sa passionnante tendance à prendre le contre-pied de toutes les interprétations anciennes», conclut l’historien Régis Burnet, dans le journal français. «Pourquoi notre époque ne parvient-elle plus à penser que le célibat a pu être, pendant vingt siècles, un choix que tous les documents historiques attestent ?» 

Cet article est paru dans le Télépro du 14/3/2024

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