Mafia : quand le repenti se répand…

Tommaso Buscetta photographié en 1984 © Isopix

En devenant la première «balance», le mafieux Tommaso Buscetta (1928-2000) a tordu le cou de redoutable pieuvre sicilienne, la Cosa Nostra.

Dans «Le Traître» (à voir sur Arte ce dimanche à 21h), le long métrage de l’Italien Marco Bellocchio (2019), retrace les confidences de l’ancien mafioso au juge Giovanni Falcone (1939-1992), avant un documentaire dévoilant les coulisses du film.

«Ce qui est à nous»

1984, Brésil. Deux hommes se font face. Ils sont sur le point d’avoir une discussion qui changera leur existence, et celle de l’Italie. Le premier se nomme Tommaso Buscetta. Il appartient à la pègre sicilienne. Le second, Giovanni Falcone, est juge, engagé dans la lutte antimafia. Mais faisons un bond en arrière.

Tommaso, né le 13 juillet 1928 à Palerme, n’a pas encore 20 ans quand il prête allégeance à la mafia. Il commence au bas de l’échelle, dans le trafic de cigarettes, et gravit rapidement les échelons. Au début des années 1960, deux clans de la Cosa Nostra se font la guerre. Pour échapper au bain de sang, Buscetta s’envole pour New-York. Dans ce nouvel Eldorado, il ouvre une pizzeria, comme de nombreux mafieux siciliens émigrés, qui lui permet de participer au trafic d’héroïne. Buscetta devient «Il Boss dei due mondi», le boss des deux mondes.

Planque, cavale et hécatombe

En 1968, il est condamné en Italie pour un double meurtre et arrêté à New-York en 1970. Pourtant, l’Italie ne réclame pas son extradition. Il s’enfuit alors pour le Brésil où il est arrêté par les autorités du régime militaire. Cette fois renvoyé en Italie, il écope de la prison à perpétuité.

Mais en 1980, lors d’une permission de sortie, il disparaît. En fuyant une nouvelle fois au Brésil, il échappe de justesse à la «mattanza», la seconde guerre au sein de la Mafia. Au début des années 1980, un mafieux fait régner la terreur, bafouant tous les principes de «l’honorable organisation» : Toto Riina. «La Bête», chef du clan Corleone, entend bien dominer la Sicile tout en s’accaparant le trafic mondial d’héroïne.

En 1981, il fait assassiner Stefano Bontade, l’un des plus puissants chefs de la Cosa Nostra. Les autres suivent et les morts se comptent par centaines. Buscetta évite le massacre. Faute de pouvoir s’en prendre à lui, Toto Riina s’attaque à sa famille. Deux de ses fils, son gendre, l’un de ses frères et quatre de ses neveux sont tués. Aucun n’appartenait à la mafia. Arrêté une nouvelle fois, il tente, sans succès, de se suicider.

À table !

Retour à 1984 et au face à face Buscetta/Falcone. Le mafioso n’a plus qu’une solution : parler. En brisant l’omertà, il devient le premier «pentito», le premier repenti. Lors de leurs entrevues, le juge Falcone glane plus d’informations sur l’organisation de la Cosa Nostra qu’en plusieurs décennies d’enquête. Le 10 février 1986, à Palerme, dans un bunker en béton armé, s’ouvre le «maxi-procès». 474 mafiosi sont inculpés, mais 119 sont en cavale. Plus de 350 hommes se tiennent dans des cages, accusés de trafic de drogue, extorsions, meurtres et, pour la première fois, appartenance à la mafia.

Après deux ans de procès, le verdict tombe : 360 condamnations pour un total de 2.665 années de prison. La victoire est de courte durée pour le juge Falcone, assassiné sur ordre de Riina en 1992. Buscetta témoigne aussi lors du procès de la «Pizza Connection» (1985-1987), qui permet la condamnation de mafiosi outre-Atlantique.

Espérant qu’il suscitera des vocations, les autorités américaines font profiter l’ex-mafieux du programme de protection des témoins. Il s’installe aux États-Unis sous une nouvelle identité et, grâce à la chirurgie esthétique, sous de nouveaux traits. Il meurt d’un cancer le 2 avril 2000 en Floride. 

Cet article est paru dans le Télépro du 19/5/2022

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