Madeleine Pauliac, héroïne oubliée
Dans l’immédiat après-guerre, des jeunes femmes se portent volontaires pour aider à rapatrier les prisonniers.
Février 1946. Sur une route verglacée de Pologne, une voiture dérape est percute un arbre de plein fouet. La passagère est tuée sur le coup. Elle s’appelait Madeleine Pauliac, elle avait 33 ans. Que faisait-elle là ? C’est l’histoire d’un engagement héroïque à découvrir samedi à 22h40 sur La Trois, dans «Les Filles de l’Escadron bleu».
Les ruines de Varsovie
Lorsque l’Allemagne capitule, le 8 mai 1945, c’est la liesse. Mais pas pour tout le monde. Parce que les prisonniers, déportés et autres travailleurs forcés sont toujours coincés au fin fond de l’Allemagne ou de la Pologne. Ils sont libres, mais livrés à eux-mêmes. Il va falloir organiser leur rapatriement. Et d’abord, dans l’urgence, prodiguer des soins à ceux qui sont le plus mal en point. La Croix-Rouge décide d’ouvrir des centres sanitaires sur place. Celui de Varsovie est confié à une jeune médecin française, le sous-lieutenant Madeleine Pauliac. Brillante et combattante, Madeleine n’a peur de rien. Mais dans les ruines de Varsovie, elle manque de tout. Il n’y a ni eau ni électricité, il faut parcourir la campagne pour trouver quelques patates à manger, elle fait des pansements avec du papier… Et devant sa porte se bousculent des dizaines de blessés, de galeux, de tuberculeux.
Alcool et violence
Dès la fin juillet, Madeleine peut compter sur le renfort d’une dizaine d’infirmières et d’ambulancières. Ce sont les filles de «L’Escadron bleu». On les surnomme ainsi en raison de l’uniforme bleu que leur a offert l’armée américaine. Elles ont participé au rapatriement des Français du camp de Dachau. À Varsovie, leur mission va s’avérer plus compliquée parce qu’il s’agit de retrouver des compatriotes aux quatre coins du pays. Et les Soviétiques, qui occupent le terrain, ne sont pas très coopérants. Ils ne sont alliés que sur le papier. On sent déjà que Staline veut s’approprier la Pologne et faire tomber un rideau de fer sur l’Europe. Les tensions sont partout palpables. D’autant que sur le terrain, l’alcool ajoute à la violence. Les femmes en sont les premières victimes. Madeleine écrit dans son journal : «Les scènes de viol, pillages et saoulerie font partie de la vie courante. Les Russes font de la vodka un usage assez peu modéré. J’ai rarement vu, passé 8 h 00 du soir, un soldat qui ne soit pas saoul. Le chirurgien de l’hôpital de Gdynia m’a dit que tous les jours, il refaisait des périnées à des petites filles violées. Un autre Français m’a raconté comment, étant employé dans une maternité de Danzig, les Russes étaient arrivés et avaient violé accouchées et futures accouchées.»
Mission secrète
Des rumeurs ? Madeleine Pauliac est bien placée pour savoir que tout cela est malheureusement vrai. Un jour, dans son dispensaire de Varsovie, elle a vu arriver une religieuse éplorée. Ses sœurs avaient été violées par des soldats. Certaines étaient mortes, d’autres étaient enceintes. Dans la plus grande discrétion, Madeleine va décider de les aider, transformant le couvent en orphelinat pour ne pas éveiller les soupçons des Soviétiques. C’est pour terminer cette mission secrète qu’elle était sur les routes verglacées de Pologne en février 1946…
Les Innocentes
L’histoire de Madeleine Pauliac a inspiré à Anne Fontaine le film «Les Innocentes». Lou de Laâge y incarne Madeleine au chevet des religieuses violées. «C’est une histoire qui a une actualité très forte», estimait la réalisatrice au micro d’Europe 1 au moment de la sortie du film, en 2016. «Le viol est une arme de guerre. Le viol de bonne sœur est une double arme de guerre, car vous violez non seulement la femme, mais aussi la religieuse qui est en elle. Dans certains pays d’Afrique ou en Haïti, c’est une situation tout à fait contemporaine.»
Cet article est paru dans le magazine Télépro du 1/10/2020
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