Madame Préhisto : maous costaud !

Extrait du documentaire «Dames et princes de la préhistoire» sur Arte © Arte/Libres

À travers l’Europe, un documentaire d’Arte dévoile les découvertes de sépultures du paléolithique qui bousculent notre perception des hommes et surtout des femmes de la préhistoire. «Dames et princes de la préhistoire» est à voir ce samedi à 22h25.

Dans le couple Préhisto, lui, c’est le balaise qui revient de la chasse. Dans une main, il tient le gourdin et dans l’autre… la chevelure de madame qu’il traîne vers la grotte. Sa proie ramenée, il va s’adonner à ses hobbies préférés : peindre ou… fabriquer un autre gourdin.

Et madame ? Entre deux cueillettes (seule sortie autorisée), elle va cuisiner le cerf, accoucher des petits Préhisto et les allaiter durant plusieurs années… Emballé, c’est pesé !

Les préhistoriens, presque exclusivement mâles au début de cette science, ont vite fait de ranger la femme de l’âge de pierre (entre -3,3 millions d’années et 3.000 ou 2.000 av. J.-C.) dans une case aussi stéréotypée que genrée. Avec force illustrations caricaturales dans les manuels scolaires, elle occupe le second rôle au générique de la préhistoire. Mais les temps changent…

James Bond girl des cavernes

En 1966, dans le film «Un million d’années avant Jésus-Christ», la femme préhistorique prend subitement l’apparence de Raquel Welch. Dans son rikiki bikini en peau de bête, mi amazone mi James Bond girl, la voilà tête d’affiche d’un féminisme de l’âge de pierre, aussi sexy que conquérant. On passe allègrement d’une caricature à une autre.

Puis la science s’en mêle. Plus question de rire : petit à petit la place véritablement occupée par la femme il y a des dizaines de milliers d’années se dessine. Notamment grâce aux progrès réalisés par l’étude de l’ADN des squelettes retrouvés, des certitudes volent en éclat. L’homme de Menton par exemple. Le fossile de cet Homo sapiens est retrouvé dans une grotte du sud de la France en 1872. À tous les coups, il s’agit d’un homme. Sauf que… non. Étude du bassin à l’appui, le crâne recouvert d’ocre et de coquillages est celui d’une femme datant d’environ 25.000 ans !

Musculature puissante

Ce n’est pas tout. Comme l’indique le site Hominides. com, depuis une quarantaine d’années, ethnologues et préhistorien(ne)s réécrivent, arguments à l’appui, l’histoire des relations hommes-femmes de l’époque. La petite femelle frêle et musclée ? Une légende.

Des scientifiques de l’université de Cambridge ont analysé les os de 45 femmes qui vivaient en Europe centrale il y a plus de 7.000 ans. Conclusions publiées dans Science Advances : elles avaient les bras plus puissants que les championnes d’avirons actuelles. La raison ? Sans doute leur travail, comme broyer les céréales avec de lourdes meules.

Qui va à la chasse ?

Concernant la chasse, le mythe a partiellement vécu lui aussi. L’analyse actuelle des coudes a permis de déterminer l’insertion des muscles dans le squelette. Pour la préhistorienne française Marylène Patou-Mathis, pas de doute : ces femmes chassaient. «Elles avaient un bras plus développé que l’autre, elles devaient manier la sagaie et tirer», écrit-elle dans son ouvrage «L’Homme préhistorique est aussi une femme» (*).

Quant au passe-temps favori des hommes préhistoriques, la peinture rupestre, là aussi, l’exactitude de l’information n’est plus garantie. L’analyse des traces de mains laissées autour des fresques dans les grottes laisse planer le doute : si ces mains sont féminines, pourquoi n’auraient-elles pas été celles qui ont peint ? Au final, l’organisation en fonction des capacités et non du genre semblaient plutôt la règle à l’époque. À méditer.

(*) À lire : Marylène Patou-Mathis, «L’Homme préhistorique est aussi une femme», (Allary éditions, octobre 2020)

Cet article est paru dans le Télépro du 17/6/2021

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