Mad, les liaisons fructueuses

Mad a pu fournir des informations cruciales sur de nombreux projets d'Hitler, grâce à ses liens avec un officier autrichien © Prod
Alice Kriescher Journaliste

Pour les Services spéciaux français, pendant la Seconde Guerre mondiale, Mad a été le nom de code d’un de leurs principaux agents, Madeleine Richou.

Des années d’une vie en perpétuel danger. Elle a usé de tous les stratagèmes pour échapper à la Gestapo, déjouer les filatures, envoyer des messages codés, le tout, en pleine montée du nazisme.

Singulière amitié

Madeleine Richou-Bihet, alias Mad, est morte le 11 août 1987, à l’âge de 86 ans, comme elle a vécu, discrètement. Une qualité précieuse pour le rôle qu’elle a tenu durant la Seconde Guerre mondiale : celui d’agent secret. Respectant scrupuleusement son devoir de réserve, cette femme humble et courageuse est restée silencieuse toute sa vie. Tant et si bien que son histoire n’a été connue que lorsque ses mémoires, retrouvées au fort de Vincennes, furent déclassifiées. Au début des années 1930, la jeune femme exerce son métier de professeure de français, à Vienne. Elle est alors fraichement divorcée, ce qui est plutôt rare pour l’époque. «Un jour de l’année 1933, alors que Madeleine se repose près d’un lac, elle entend derrière elle un jeune autrichien un peu moqueur lui dire : « Ah les Françaises ne sont pas très courageuses, elles préfèrent se prélasser au soleil plutôt que de nager sportivement dans le lac ! »», raconte le chroniqueur Thomas Chauvineau sur France Inter. «Vexée, Madeleine se lève, court, et plonge dans le lac, direct. L’eau est 7 à 8 degrés.» Le lendemain, forcément, la téméraire Madeleine tombe malade. Elle doit alors rester plus longtemps que prévu en Autriche. C’est durant cette période de convalescence qu’elle rencontre le colonel Erwin Lahousen, un officier des services de renseignement autrichiens. Entre eux débute alors ce que Mad qualifie dans ses mémoires d’«amitié singulière». Mais surtout, tous deux se découvrent une aversion commune : la montée du nazisme.

Renseignements salvateurs

Le 9 mars 1938, Lahousen presse son amie française d’alerter le commandant Salland, de l’imminence d’une entrée des troupes du Reich en Autriche. Madeleine s’exécute. C’est la première information qu’elle fournit aux services de renseignements français. Elle devient pour eux «la source Mad». L’Autriche désormais annexée à l’Allemagne, les informations de Lahousen, attaché du coup lui aussi à l’armée allemande, valent leur pesant d’or pour l’autre camp et Madeleine ne doit pas en perdre une miette. «Les services français l’ont toujours envoyée à proximité de Lahousen, donc à Berlin pendant la guerre, je ne sais pas si vous imaginez ce que ça veut dire d’être une Française, pendant la guerre, de vivre chez l’ennemi», poursuit Thomas Chauvineau. Mais Mad est courageuse et apprend son nouveau métier d’agent secret sur le tas. Grâce aux informations qu’elle fournit, deux importants généraux français, entre autres, ont eu la vie sauve. «Hitler projetait d’assassiner en 1941 le général Weygand et en 1942 le général Giraud. En l’apprenant par Lahousen, les généraux ont été mis à l’abri.» Seule à Budapest lors de la fin de la guerre, Madeleine va vivre l’arrivée successive des troupes allemandes et soviétiques. Pour survivre, elle passera cinquante jours dans une cave sous un champ de bataille.

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 9/4/2020

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