Littérature : la communauté de Tolkien
Démêler la vie et les écrits de John Ronald Reuel Tolkien (1892-1973) s’avère encore plus compliqué que de naviguer parmi les personnages et lieux de sa saga culte « Le Seigneur des Anneaux ». Et ce n’est déjà pas une mince affaire ! Ce jeudi à 23h15, Arte diffuse «Tolkien – La véritable histoire des Anneaux».
Né en Afrique du Sud de parents originaires d’Angleterre, universitaire et philologue renommé, père et ami dévoué, Tolkien est bien plus que l’écrivain qui se cache derrière « le précieuuuux ».
Amoureux des langues
Dès son plus jeune âge, Tolkien est initié par sa mère au français, à l’allemand et au latin. À l’université, il se passionne pour le vieil et le moyen anglais, le finnois, le gallois, le gotique (langue morte des Goths) et le vieux norrois (islandais ancien). Mais apprendre les langues ne lui suffit pas. Il en invente ! Petit, il parle « l’animalique » avec ses cousines, un vocabulaire ludique formé de noms d’animaux. Plus tard, il imagine des langues pour chaque peuple de son univers imaginaire, dont certaines sont pourvues d’un système linguistique complet, comme le Quenya (ou haut-elfique) et ses deux mille mots.
Fantastique fantasy
S’il n’a pas inventé le genre, Tolkien a offert à la fantasy moderne ses lettres de noblesse. Née au XIXe siècle, elle se distingue du fantastique par l’acceptation de la normalité du surnaturel. Elfes, dragons, géants, gobelins, orques et autres nains y sont des créatures récurrentes. Si les hobbits, ces semi-hommes allant nu-pieds, sont l’une des créations originales de Tolkien, d’autres trouvent leur origine dans les mythes médiévaux. L’influence de Tolkien est telle qu’il a par exemple modulé de sa plume l’image que nous nous faisons des elfes (semblables aux hommes, mais plus beaux, immortels et dotés d’oreilles pointues) alors qu’ils étaient autrefois proches des fées ou des nains.
Frodon à Narnia
L’œuvre de Tolkien ne serait pas la même sans les amitiés qu’il a entretenues tout au long de sa vie. Dès l’adolescence, il ne jure que par les membres de son Tea Club, avec qui il refait le monde. Sa douleur est immense lorsque deux d’entre eux perdent la vie lors de la bataille de la Somme dont il sort indemne. À Oxford, il fait la connaissance d’un certain C.S. Lewis, qui n’est autre que l’auteur des « Chroniques de Narnia ». Les deux hommes se lient d’une forte amitié, s’encouragent (« Je suis certain que c’est un grand livre… Il sera rangé aux côtés de l’« Énéide », écrit Lewis à propos du « Hobbit »), se relisent et se corrigent. Mais se perdent de vue. Tolkien n’en est pas moins dévasté par le décès de Lewis en 1963.
Bonne nuit les petits
Même pour les aficionados des films, se plonger dans les mille pages de l’épopée du « Seigneur des Anneaux » peut être effrayant. Et si vous commenciez par ses livres pour enfants ? En Angleterre, « Le Hobbit », son premier roman publié en 1937, est un classique de la littérature jeunesse.
Père de quatre marmots, Tolkien n’est jamais à court d’idées pour les divertir : « Roverandom » conte les aventures d’un chiot changé en jouet, « Monsieur Merveille » raconte les déboires automobiles d’un homme. Sujet bientôt de circonstance, le papa imaginatif s’est fait passer pendant vingt ans pour le Père Noël, écrivant des lettres et des histoires illustrées à ses enfants. Les « Father Christmas Letters », publiées après sa mort en 1976, ont été traduites en français en 2004.
De père en fils
L’œuvre de Tolkien est colossale. Essais universitaires, traductions, contes, poèmes, chansons, romans, conférences… Tolkien écrit beaucoup. Et réécrit plus encore. Les rédactions du « Hobbit » puis du « Seigneur des Anneaux » s’étendent chacune sur près de dix ans. Ce sont d’ailleurs les seuls romans qu’il publie de son vivant.
Dès les années 1910, il commence à développer sa propre mythologie, « Le Silmarillion », mais celui-ci ne sera publié qu’en 1977 par son fils et exécuteur littéraire, Christopher, à partir de milliers de pages, triées et adaptées. C’est d’ailleurs à lui qu’on doit l’immense majorité des publications de son père, dont certaines attendent encore leur traduction française.
Cet article est paru dans le Télépro du 28/11/2024
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