De nombreuses initiatives voient le jour pour réintroduire le volatile, en Europe notamment.
«Dis papy, c’est qui le drôle d’oiseau, là ?» La petite Naëlle a le doigt pointé en direction d’un volatile à l’étrange dégaine : une tête chauve, un bec courbé tout rouge, des plumes ébouriffées autour du cou… Inconnu au bataillon de papy, l’emplumé est noir bleuté, court sur pattes et mesure environ 80 cm de longueur… La visite du parc animalier vient de commencer et déjà, il est… Comment dire ? Le bec dans l’eau, papy ! Pour se tirer d’affaire, il y a bien la pancarte. «Ibis chauve, Ibis Geronticus eremita, Ibis ermite». Coup d’œil à l’enfant… «Attends une seconde, je vais vérifier…» Pendant que papy dégaine son smartphone et met le cap sur Internet, voyageons dans le temps. Direction un passé très éloigné.
La belle époque
Pour trouver les premières traces des lointains ancêtres de l’animal, il faut retourner 12 à 14 millions d’années en arrière ! C’est de cette époque que date un fragment d’humérus retrouvé en France. Le fossile d’un individu très proche de celui observé aujourd’hui dans le zoo a, quant à lui, été retrouvé au Maroc il y a 1,8 million d’années. Depuis, l’ibis chauve déploie, sur une partie de la planète, des ailes qui font jusqu’à 1,35 m d’envergure. À l’origine, il vit en petits groupes d’une quarantaine d’individus et niche dans les falaises. Il se nourrit de végétaux, d’animaux (araignées, lézards, poissons, scorpions…) et habite, à l’époque, en Afrique du Nord, en Europe du Sud, au MoyenOrient et dans le nord-est de l’Afrique, comme le précise le portail espèces-menacées.fr. «À l’époque», car les choses ont bien changé. Depuis des siècles, la population est en déclin.
Espèce menacée
En Europe, l’ibis chauve disparaît il y a près de 400 ans. Il est chassé par l’homme, qui apprécie sa chair, tout comme ses prédateurs, corbeaux et vautours. Son habitat est détérioré, ses sources alimentaires diminuent et l’apparition des pesticides lui porte un coup fatal : en 80 ans, plus de 90 % de la population mondiale disparaissent. Symbole de fertilité et de revenus dans l’Égypte ancienne, l’ibis chauve est classé «espèce en danger critique d’extinction» par l’Union internationale pour la conservation de la nature, en 1994. En 2018, il passe dans la catégorie «espèce en danger». Un léger mieux, grâce à des programmes de réinsertion.
Sauvez l’ermite
En Autriche, au Maroc (depuis plusieurs dizaines d’années), en Espagne, en Turquie, en Croatie…, les initiatives sont plutôt fructueuses. Jusqu’il y a peu, les 1.600 spécimens des zoos et parcs animaliers dépassaient la population sauvage. Les chiffres seraient en train de s’inverser. «Tu vois Naëlle, il s’en est fallu d’un cheveu que l’ibis chauve ne disparaisse.» Papy est content de son jeu de mot. L’enfant lui sourit.
Cet article est paru dans le Télépro du 18/08/2022.
