L’histoire des couturières, de fil en aiguille
Pour faire un ourlet ou confectionner une robe de mariée, on a toujours besoin d’une couturière. Mais au fil des ans, le métier a bien changé…
Chaleur, poussière, cadence infernale et salaire de misère… Voilà à quoi ressemble un atelier de confection textile. Aujourd’hui, ça se passe en Asie. Mais autrefois, c’était chez nous. Ce dimanche à 21h05, France 5 replonge dans cette époque avec le documentaire «Le Siècle des couturières». Raconté par l’actrice Corinne Masiero (Capitaine Marleau), il rappelle que les «petites mains» étaient de grandes dames, souvent à la pointe des luttes sociales.
La couturière du village
On a tous de notre enfance le souvenir d’un vêtement confectionné par tante Jeanne ou mamy Monique. Dans les villages de Wallonie, les femmes cousaient. D’abord pour leur famille. Parfois pour les voisins – histoire de mettre un peu de beurre dans les épinards. Les plus douées se voyaient confier le costume du dimanche, la robe de mariée ou les vêtements liturgiques du curé. Certaines travaillaient aussi en sous-traitance pour un patron. Chaque région avait sa spécialité. La dentelle à Binche, la laine à Verviers, la bonneterie dans le Tournaisis… Idem en France avec la dentelle de Calais ou les soieries lyonnaises. Partout, de tout temps, les femmes ont filé, tissé, cousu. Au XIXe, quand la révolution industrielle chamboule le secteur textile, les femmes prennent pour la première fois le chemin de l’usine. Au départ, elles y voient une ascension sociale : mieux vaut être embauchée comme ouvrière que travailler la terre. Mais le labeur dans le brouhaha des machines s’avère répétitif et harassant.
L’usine-couvent
Les ouvrières du textile n’ont pas le choix. Pas plus que les pensionnaires des usines-couvents. Le concept est créé dans la région de Lyon, vers 1835, par un patron de soierie. Il offre le gîte, le couvert et un semblant d’éducation aux jeunes filles… contre 12 à 14 heures de travail par jour dans ses usines. Enfermées dans ces couvents industriels, les demoiselles n’en sortent que pour se marier. Et trouver une place dans une autre usine… Dès les années 1880, certaines travaillent cependant à domicile. La marque américaine Singer commercialise alors des machines à coudre domestiques. Les hommes voient cela d’un très bon œil. Les maris car cela permet aux femmes de travailler sans quitter le foyer. Les patrons car cela complique les luttes sociales, souvent menées par les femmes.
Prêtes à en découdre
Connaissez-vous Fourmies ? Cette localité française est à 8 km de la frontière belge. Le 1er mai 1891, les ouvriers des 37 filatures de Fourmies arrêtent le travail pour manifester. L’armée ouvre le feu. 9 ouvriers sont tués, dont 4 femmes en tête de cortège. Durant la Première Guerre, alors que les hommes sont au front, ce sont les ouvrières du textile qui obtiennent le congé du samedi après-midi. Une fois la guerre terminée, les midinettes revendiquent de vivre libres, sans mari ni enfants. Elles se cousent des chapeaux extravagants pour coiffer Sainte-Catherine. Certaines comprennent que le textile est le seul secteur où elles peuvent devenir patronnes. Ainsi naissent les carrières de Coco Chanel et Jeanne Lanvin, toutes deux parties de rien. Si leurs maisons de haute couture ont survécu, il n’en va pas de même du prêt-à-porter, balayé par les délocalisations. Mais les couturières n’ont pas dit leur dernier mot… À l’heure où l’on parle local et durable, on les voit réapparaitre dans de petits commerces ou sur les marchés.
Cet article est paru dans le Télépro du 28/4/2024
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