«Les Traducteurs» (France 2) : en français dans le texte
Les traducteurs donnent aux lecteurs l’accès à des livres écrits à l’origine dans une langue étrangère. Ils les transportent d’un monde à un autre.
Les écrivains font la littérature nationale et les traducteurs font la littérature universelle.» Il sait de quoi il parle, José de Sousa Saramago, quand il prononce cette petite phrase qui en dit long sur l’importance de la traduction littéraire.
Lecture mondiale
Écrivain et journaliste portugais, il reçoit en 1998 le prix Nobel de littérature pour son livre «Ensaio sobre a cegueira», traduction littérale : «Essai sur la cécité». L’œuvre fait alors le tour du monde. Publiée en français sous le titre : «L’Aveuglement», elle devient «Blindness» en anglais et «Die Stadt der Blinden» en allemand. Les exemples sont légion. Quelle que soit la langue d’origine dans laquelle ils sont écrits, les bouquins peuvent toucher des lecteurs partout sur la planète grâce à leurs traductions. Un rôle capital dans la production littéraire, qui n’a pas commencé avec la mondialisation.
La Septante
La première traduction a près de 2.000 ans. Au III e siècle av. J-C., plus précisément en 282 selon certains historiens. Des érudits sont réunis à Alexandrie. Leur mission : traduire en grec la Bible hébraïque (la Torah). Selon la légende, ces érudits auraient été une septantaine (six par tribu d’Israël). D’où le nom : la Septuaginta (septante en latin). Chacun aurait été enfermé dans une cellule individuelle, sans contact possible avec les autres, mais tous auraient rendu une traduction identique.
Un siècle et demi plus tard, l’homme d’État et brillant orateur romain Cicéron se met aussi à la traduction d’œuvres en grec vers le latin, cette fois. Il a cette réflexion critique vis-à-vis de la traduction mot à mot : « Je n’ai pas cru devoir présenter au lecteur un décompte des mots, mais pour ainsi dire lui offrir une somme de mots en bloc.» Un débat toujours d’actualité…
Célébrités
Si les auteurs ont leurs stars, les traducteur(trice)s comptent aussi quelques vedettes dans leurs rangs. La première s’appelle sans doute Jérôme de Stridon alias saint Jérôme. Au IVe siècle, ce moine, qui maîtrise plusieurs langues, propose la première traduction de la Bible en latin. Il met plus de vingt ans pour l’achever sous le nom de «Vulgate». Cela lui vaut de devenir le saint patron de la profession, fêté le 30 septembre. Dans un autre registre et beaucoup plus tard (XIX e siècle), Sir Richard Burton est aussi considéré comme une référence de la corporation. Parlant vingt-neuf langues et maîtrisant onze dialectes, il s’est consacré à des travaux d’un tout autre registre, comme une traduction anglaise du «Kamasutra» et une version non censurée du «Livre des mille et une nuits».
Top des auteurs
Selon l’Index Translationum de l’Unesco, au hit-parade des auteurs les plus traduits, Agatha Christie arrive en tête devant Jules Verne et William Shakespeare (Georges Simenon est 17e). Quant aux langues les plus traduites, l’anglais l’emporte devant le français et l’allemand. Du côté des ouvrages les plus traduits, les résultats divergent selon les sources. Certaines placent la Bible en tête (650 langues) devant la Déclaration universelle des droits de l’homme (500 langues). Pour le site vivaverbia.be, ce serait toutefois «Écoutez Dieu : vous vivrez pour toujours», publié par les Témoins de Jéhovah, qui occuperait la première place…
Harry Potter à la traîne ?
Au rayon des classiques de la littérature, «Le Petit Prince» a été traduit en 300 langues, «Les Aventures de Pinocchio» en 260 et Harry Potter en 70. Le texte traduit est-il, comme on l’entend souvent, «moins beau» que l’original ? La traduction est-elle «un mal que nous devons subir» ou, au contraire, «un gain apporté (aux lecteurs) par la mondialisation», comme s’interroge le portail de livres OpenEdition Journals ? Les théoriciens s’escriment sur ce thème. Les éditeurs n’hésitent pas à sabrer. Le traducteur en français des quatre premiers tomes de la saga «Game of Thrones» en a fait les frais. Il a été remplacé en 2011 pour cause de style trop archaïsant.
Cet article est paru dans le Télépro du 4/08/2022.
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