Les saigneurs de la lavande…
Et si une règlementation européenne menaçait la jolie plante violette ? Mis au parfum, les producteurs s’inquiètent. Et craignent que le violet tourne au rouge sang… «GEO Reportage» s’y intéresse ce samedi après-midi.
Si vous êtes passés dans le département français de la Drôme cet été, vous les avez peut-être remarqués. Des panneaux rouges et blancs ont poussé un peu partout, comme les fleurs des champs devant lesquels ils sont plantés. «Lavandes en danger. Cessation d’activité». À l’origine de cette floraison scripturale intempestive, une nouvelle réglementation européenne appelée REACH (acronyme de (en)Registrement, Evaluation et Autorisation des produits chimiques). Selon les producteurs de lavandes, si cette réglementation voit le jour, elle mettra leur activité en danger ou, pire, la fera disparaître.
Produit toxique ?
«Une nouvelle stratégie dans le domaine des produits chimiques vers un environnement exempt de substances toxiques», c’est ce à quoi la Commission appelait à la fin de l’année dernière. L’objectif poursuivi par Bruxelles est double : protéger les consommateurs et agir contre le réchauffement climatique. Pour la fin de l’année prochaine, le règlement «relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances considérées comme chimiques et présentant une menace pour la santé et l’environnement» devrait être revu. Les huiles essentielles ne sont pas visées directement, mais elles pourraient être touchées par ricochet. La raison ? Elles entrent dans la composition de produits cosmétiques. Elles risquent donc de se retrouver sur une «liste noire» parce que potentiellement dangereuses. Conséquence : elles seraient évincées de produits à destination du consommateur européen.
Help !
Sur son site Internet, l’Association des Producteurs d’huile essentielle de lavande lance un appel à l’aide, pour le sauvetage de la lavande, mais aussi des autres plantes à parfum. Pour l’AOP, la règlementation REACH poursuit un objectif noble : protéger le consommateur. Là où le bât blesse c’est que, normalement, les produits naturels sont exemptés de REACH, «sauf s’ils répondent aux critères de classification des substances dangereuses, «ce qui est le cas de la plupart des huiles essentielles», constate l’association, «car la plupart sont au moins irritantes pour les yeux, ou inflammables, ce qui suffit à renier le fait qu’elles sont naturelles et à les considérer comme substances chimiques». Dans les colonnes des quotidiens hexagonaux La Dépêche et Le Dauphiné libéré, le président du Comité interprofessionnel des huiles essentielles françaises résume la situation : «Personne n’achètera un parfum s’il y lit «Ce produit est dangereux» ou s’il y voit une tête de mort !»
Pas de panique !
Face à la crainte de voir leur activité disparaître, les pros de la lavande lancent une pétition. Avec plus de 115.000 signatures récoltées en quelques jours, le soutien du grand public semble acquis. Ce n’est pas suffisant. Il faut qu’ils puissent également compter sur celui du secteur médicinal, du cosmétique et de l’aromate. 2025, c’est demain. Face à ces inquiétudes, l’Union européenne tempère, qualifie les craintes d’«exagérées» et de «prématurées» et déclare à Ouest France : «Il n’y aura pas de proposition législative avant fin 2022 (…). Cela veut dire que la nouvelle législation n’entrera pas en vigueur avant 2025». Réponse des producteurs : 2025, c’est demain. Traduisez : ça sent le roussi. Tout le contraire du parfum de leur lavande.
Cet article est paru dans le Télépro du 19/08/2021.
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