Femmes et cyclisme : les petites reines

Avant Lotte Kopecky, Hélène Dutrieu, première championne du Monde en 1897, a porté haut les couleurs du cyclisme belge © RTBF

Le vélo fut longtemps réservé aux hommes. Mais quand les femmes se le sont approprié… elles en ont fait un instrument de leur liberté !

32 % des Belges se rendent au travail à vélo. La cycliste belge Lotte Kopecky est championne du Monde et médaillée olympique. Pour ses 50 ans, la reine Mathilde a choisi de se balader à vélo dans chacune des provinces du pays… Aucune de ces informations ne semble complètement extravagante. Et pourtant, il fut un temps où il était impensable qu’une femme monte en selle ! Ce samedi à 20h35 sur La Trois, «Retour aux sources» revient sur l’histoire du cyclisme au féminin avec «Les Aventurières du vélo».

Pratiques vicieuses

Le vélo est d’abord une affaire d’hommes. Quand il se popularise, à la fin du XIXe siècle, aucune femme respectable ne songe à enfourcher une bicyclette. Le problème ? La position. Ce n’est pas un hasard si, durant des siècles, les femmes ont monté leur cheval en amazone… Le corps médical craint que le vélo soit incompatible avec les organes génitaux féminins. On évoque des risques de stérilité. Mais le véritable problème est ailleurs : la pratique du vélo conduirait les femmes à « des pratiques vicieuses ». L’American Journal of Obstetric confirme : « Une jeune femme possédant une expérience très grande des plaisirs sexuels ne pouvait obtenir de jouissance plus intense que celle produite par la bicyclette. »

Culottées !

De toute façon, le corset et les jupes longues rendent impossible la pratique du vélo. En France, une loi de 1800 interdit le port du pantalon aux dames. Le texte précise : « Toute femme désirant s’habiller en homme doit se présenter à la Préfecture de police pour en obtenir l’autorisation. » Pourquoi ? Parce qu’il n’est pas question qu’une femme ait la liberté d’un homme, puisse exercer un métier d’homme… Bref, qu’elle porte la culotte ! En 1898, une circulaire autorise toutefois le pantalon « si la femme tient par la main un guidon de bicyclette ou les rênes d’un cheval. » C’est ainsi que, peu à peu, le vélo va permettre aux femmes de se libérer de leurs vêtements, de s’éloigner de leur foyer, de prendre leur liberté… La Première Guerre mondiale confirmera le mouvement.

La risée générale

Parmi les pionnières du vélo, une Belge : Hélène Dutrieu. En 1897, elle sera la toute première championne du Monde cycliste. Mais ce sport est extrêmement mal vu. En 1955, quand est créé le premier Tour de France féminin, c’est la risée générale. Les organisateurs y renoncent d’ailleurs dès l’année suivante. Le quotidien sportif L’Équipe commente : « Le bon sens a triomphé. Elles devront se contenter du cyclotourisme, ce qui correspond beaucoup plus à leurs possibilités musculaires. » Il faudra attendre 1984 pour que réapparaisse le Tour de France féminin. En 1987, en fin d’étape, Jacques Chancel reçoit sur son plateau Jeannie Longo et Marc Madiot. Le coureur a déjà déclaré dans la presse : « Si mes sœurs faisaient du vélo, je les renierais. » Il confirme en direct : « Il y a des sports masculins et des sports féminins. Une femme sur un vélo, c’est moche ! » Et pour se justifier : « J’aime trop les femmes pour les voir souffrir. »

Yvonne et Eddy

Il y eut pourtant de grandes championnes. Avant Jeannie Longo, il faut citer Yvonne Reynders. Son nom ne vous dit rien ? Elle est pourtant belge et a décroché pas moins de sept titres de championne du Monde dans les années 1960. Mais à l’époque, la presse n’avait d’yeux que pour un certain Eddy Merckx… Il faudra attendre 2022 pour que les étapes du Tour de France Dames soit diffusées à la télé.

Cet article est paru dans le Télépro du 5/12/2024

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