Les «hikikomori», ces personnes confinées volontaires

Coupés de toute interaction sociale, ils ont choisi de vivre cloîtrés à domicile © Getty Images
Aurélie Bronckaers
Aurélie Bronckaers Journaliste

Ils seraient plus d’un million au Japon et des dizaines de milliers en France. Ces isolés délibérés, souvent mal compris, se retirent de la société et vivent reclus. Ce sont les «hikikomori», auxquels «Le Monde en face» s’intéresse ce mardi à 20h55 sur France 5.

Parmi eux, Jonathan (27 ans), «pratiquant» depuis l’âge de 19 ans.

En quoi consiste le terme hikikomori ?

Pour être considéré comme un véritable hikikomori, il ne faut pas être sorti de chez soi depuis plus de six mois consécutifs. Il existe cependant plusieurs stades. Selon des spécialistes japonais, je suis un pré-hikikomori, avec des périodes plus ou moins longues de confinement. Lorsque j’étais au chômage, je suis resté cloîtré environ deux ans. Je ne suis sorti que pour mes rendez-vous avec mon conseiller d’orientation. Mes pensées étaient noires. Je me suis complètement renfermé sur moi-même.

Quelles sont les raisons de ce confinement ?

Tout a commencé à l’école. J’ai été stigmatisé dès mon plus jeune âge à cause de ma dyspraxie (trouble développemental de la coordination, ndlr). Les élèves se moquaient de moi. Et étant très réservé, j’avais du mal à aller vers les autres. Mes parents étaient inquiets et m’ont emmené chez plusieurs psychologues. Cela ne m’a pas aidé… J’ai arrêté l’école à 16 ans et enchaîné plusieurs petits boulots dans le secteur de l’alimentation, de l’industriel et du tourisme. Depuis, je remarque que les moqueries se sont estompées, mais j’ai toujours cette crainte de jugement. Quand je suis chez moi, je me sens à l’abri, je me crée un cocon.

Comment se déroule votre quotidien ?

Lors de mes deux années d’isolement total, je m’endormais et me levais à pas d’heures. Je passais mes journées devant l’ordinateur à regarder des vidéos ou à jouer. Je me suis aussi intéressé à la programmation informatique et ai développé un projet de cloud. Selon moi, l’isolement permet d’avoir un esprit plus ouvert sur le monde et de prendre plus de temps pour soi et ses passions. Si désormais je sors pour me rendre au travail, j’évite un maximum le monde extérieur. Je vis chez mes parents et ils m’ont toujours soutenu. Je n’ai aucun ami, mais je trouve du réconfort dans plusieurs activités à domicile ou les relations virtuelles.

La communauté hikikomori est essentiellement online…

Il est difficile de communiquer avec un hikikomori, et encore moins d’en rencontrer. Ensemble, nous discutons de nos centres d’intérêt, de nos problèmes. On se conseille mutuellement. La communauté m’aide davantage que n’importe quel psychologue. La distance et l’anonymat que crée Internet permettent une liberté de parole.

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