Les héros oubliés du Far West
En 1875, un cowboy sur quatre était noir. Longtemps éclipsés, les Afro-Américains retrouvent peu à peu leur place dans le récit de la conquête de l’Ouest.
Davy Crockett, Calamity Jane, Buffalo Bill, Billy the Kid, les frères Dalton… Autant de personnages historiques dont le nom suffit à évoquer la conquête de l’Ouest. On ne peut pas en dire autant des noms de Bass Reeves, Mary Fields, Nat Love, ou James Beckwourth. Dans cet univers peuplé de cowboys et d’Indiens, les Afro-Américains, éclipsés par Hollywood, ont pourtant joué un rôle de premier plan, comme le raconte le documentaire «Black Far West» (ce samedi 20.50, Arte).
Dans les États-Unis du XIXe siècle, la majorité des Noirs sont des esclaves, constituant une main-d’œuvre très rentable. Ils alimentent l’économie américaine en sucre, en tabac, en coton et en or. En 1860, l’élection à la présidence d’Abraham Lincoln, ardent défenseur de l’abolition de l’esclavage, met le feu aux poudres entre les États du Nord et du Sud. Durant quatre ans, le conflit civil déchire le pays.
À la fin de la guerre de Sécession, tous les esclaves noirs sont émancipés, mais peu d’affranchis ont assez d’argent pour acheter leur propre ferme. Beaucoup décident de tenter leur chance à l’Ouest, encouragés par le Homestead Act, une loi signée par Abraham Lincoln permettant à ceux pouvant justifier de l’occupation d’un terrain depuis cinq ans d’en revendiquer la propriété.
L’Ouest, leur terre promise
Ancien esclave, Benjamin «Pap» Singleton, surnommé le «Moïse noir», encourage ses semblables à partir en quête d’une terre à cultiver. Autour des années 1880, environ 40.000 Afro-Américains fuient le Sud, où le Ku Klu Klan fait rage, pour s’installer dans l’Oklahoma, le Colorado, le Kansas. Tous ces pionniers noirs, voyant l’Ouest comme leur terre promise, sont appelés les «Exodusters» (jeu de mots entre l’Exode biblique et la poussière – dust – des routes).
Pourtant, le rêve de liberté tourne vite au cauchemar car l’Ouest n’est pas tout à fait la terre promise dont rêvent les affranchis. Dans les plaines du Kansas, vierges de tout arbre, les conditions d’installation sont rudes. Les premiers «Exodusters» vivent dans des terriers et subissent la chaleur, le froid, les orages, les insectes… Malgré tout, des villes, dont la plus célèbre s’appelle Nicodemus, sortent de terre.
Objectif : liberté !
Dans ces vastes plaines, de nombreux Afro-Américains embrassent un métier difficile, placé tout en bas de la hiérarchie sociale et promettant une vie d’aventures, celui de… cowboy ! Ancien esclave dans une plantation de tabac du Tennessee, Nat Love fait partie des nombreux cowboys noirs, ignorés de la mémoire collective. Le 4 juillet 1876, celui qui a raconté par écrit sa vie rocambolesque entre pourtant dans la légende de l’Ouest en remportant haut la main toutes les épreuves du rodéo de Deadwood.
L’Ouest compte encore bien d’autres héros noirs oubliés : Mary Fields, première femme noire à conduire une diligence postale ; Bass Reeves, l’un des premiers hommes noirs à obtenir le titre de Marshall, à l’impressionnant tableau de chasse ; ou James Beckwourth, ce mulâtre né esclave devenu trappeur dans les Rocheuses, où il traque les castors, les loutres et les visons.
Si tous les pionniers partis vers l’Ouest recherchaient surtout l’aventure et la richesse, les affranchis noirs, eux, avaient plus encore à y gagner : la liberté !
Cet article est paru dans le Télépro du 13/10/2022
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