
Les frites ont la pêche !
Elles sont l’un des dix aliments les plus consommés dans le monde. Sont-elles belges ou françaises ? Un sujet évoqué ce mercredi à 22h50 sur La Une dans «Matière grise».
1950. Sur les antennes de l’INR (l’ancêtre de la RTBF), un disque est annoncé : « Yves Montand nous chante « Cornet de frites » ». Musique. « Dans un cornet de papier, près du quai de la Rapée, un jour on s’était payé des frites… ». Un Français qui chante la frite ? Notre frite ? ! Certains d’entre vous vont peut-être avoir une patate à peler avec moi, mais oui, et ça fait mal de l’écrire, la frite est bien française à l’origine. Petit voyage dans le temps.
Made in France
Première halte : Espagne, XVIe siècle. Sans le savoir, les conquistadores ramènent un joyau du royaume inca (Pérou) : la pomme de terre. « Une sorte de noix de terre qui, une fois bouillie, devient aussi tendre que des châtaignes cuites », écrit l’un de ces conquérants en 1533. Le tubercule n’a pas bonne réputation. Non seulement il s’agit de la nourriture du pauvre, mais en plus on l’accuse de transmettre la lèpre. Le temps passe.
Deuxième halte sur la piste de la frite : États-Unis, fin du XVIIIe siècle, début du XIXe. Les Américains consomment ce que des gastronomes de l’époque nomment des « pommes de terre frites à cru en petites tranches ». Rondes et plates ou en spirales, elles n’ont rien à voir avec les frites actuelles. La recette a été ramenée de l’étranger par le politicien (et futur président) Thomas Jefferson. Et où était-il en poste ? En France !
Retour en arrière dans le temps. Troisième halte : Paris, XVIIIe siècle. Sur le Pont-Neuf, des marchands ambulants vendent des légumes et des morceaux de viandes enrobés de pâte et plongés dans de l’huile bouillante. « Pourquoi pas des pommes de terre en tranches ? », doit se dire un jour l’un d’entre eux. Et voilà comment la frite serait née. Son inventeur inconnu serait donc un marchand ambulant parisien.
Made in Belgium
2013. Sur les antennes de Classic 21, l’animateur annonce : « On se retrouve après « Moules et frites», Stromae. » Musique. « Polo aime les moules frites, sans frite et sans mayo. Yo, yo, yo. » On passera sur le sens caché de la chanson, l’essentiel est ailleurs. Les frites de Stromae, c’est du belge. Et ça fait un temps que ça dure. Des historiens ont même tenté d’attribuer sa paternité à notre pays. Les frites seraient nées à Namur où l’on faisait frire des pommes de terre en forme de petits poissons à la fin du XVIIIe siècle ? « Une légende », affirme en 2019 Pierre Leclercq, historien de la gastronomie et patron du Petit Lancelot (centre itinérant de diffusion d’histoire de l’alimentation). La frite ne serait arrivée en Belgique que vers 1842, affirme-t-il. Grâce à un Bavarois nommé Frédéric Krieger, surnommé « Monsieur Fritz, roi de la pomme de terre frite » (autre légende : ce surnom aurait donné le nom « frite »…). Il vient de Paris et crée la première friterie ambulante. La frite en bâtonnet telle que nous la dégustons apparaît pratiquement au même moment. Son succès diminue en France tandis qu’elle devient un plat national en Belgique, pommes de terre bintje, graisse de bœuf et double cuisson exigées.
Des frites, des frites, des frites !
Aujourd’hui, nul n’ignore le cri de guerre des Tuche : « Des frites ! » Appelées « french fries » en anglais, dès le XVIIIe siècle par le président Jefferson (encore lui) selon certains, par les soldats américains venus combattre en Belgique (francophone) et dans le nord de la France durant la Première Guerre mondiale selon les autres. « Des frites ! » Dont on consomme dans le monde 11 milliards de tonnes par an, 350 kg par seconde, non comprises celles que vous préparez vous-même. « Des frites ! » Dont les 4.642 friteries et fritkots sont éligibles à l’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco. « Des frites ! » Belges ! Qui ont leur ambassadeur (James Bint-je), leur musée national à Bruges et leur journée internationale, le 1er août.
Alors, belges ou françaises, les frites ? Plus vitale est sans doute la question : avec mayo, sauce lapin ou andalouse ?
Cet article est paru dans le Télépro du 24/4/2025
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