Les femmes au chevet du marabout argala
Une «armée» féminine tente de sauver la cigogne la plus rare d’Inde ! Ce samedi à 17h50, Arte va à leur rencontre dans le documentaire «Inde, la brigade des cigognes».
Dans le nord-est de l’Inde, une brigade de femmes sensibilise les villageois au sort du marabout argala, un échassier en voie de disparition, victime de sa mauvaise réputation. Nous sommes dans un village sur la rive du fleuve Brahmapoutre, le plus sauvage des fleuves indiens, dans l’État d’Assam. Ici, les familles vivent de façon traditionnelle et tirent leurs maigres ressources de petits boulots. Fatima et sa famille partagent leur toit avec vaches, perroquets et pigeons. Le bétail permet d’améliorer leur quotidien. Dans cette région, vivre au côté des animaux est une tradition. Comment expliquer alors qu’un oiseau soit tombé en disgrâce auprès des villageois ?
L’avaleur d’os
Le marabout argala, l’une des plus imposantes cigognes de la planète, est classé comme espèce menacée depuis 2014. Sa population totale est estimée à moins de 1.200 individus ! C’est le plus grand des échassiers. Son nom en sanskrit, «hargila», signifie «avaleur d’os». Car c’est un charognard qui se nourrit de cadavres d’animaux et pille les décharges d’ordures. Mais il se nourrit aussi de grenouilles, de gros insectes, d’oisillons, de lézards et de rongeurs. Ses dimensions sont impressionnantes : il mesure en moyenne 1,5 m de hauteur et ses ailes peuvent atteindre 2,5 m d’envergure ! Son dos et ses ailes sont de couleur noire, son ventre et sa queue sont gris. La tête et le cou roses sont déplumés comme ceux du vautour. Son bec jaune est long et massif.
Déclin massif
Cet immense charognard joue un rôle essentiel dans l’équilibre des zones humides en Asie, mais il souffre d’une mauvaise réputation injustifiée. Fatima explique : «Avant, les gens n’avaient pas une bonne opinion du marabout argala, ils lui reprochaient de déféquer partout, de salir les cours, les maisons. Ils ne voyaient pas en quoi ces oiseaux pouvaient être importants…» Dans les campagnes, le volatile est considéré comme de mauvais augure à cause de sa tête déplumée parsemée de taches noires et son mode de vie. Les villageois détruisent ses nids et abattent les arbres où il perche. Chassée aussi par le recul des marécages, son territoire de prédilection, la population du marabout argala a radicalement diminué. L’agriculture, l’urbanisation et la pollution ont causé la perte de ses habitats de nidification et d’alimentation.
Émancipation féminine
Mais dans le nord-est de l’Inde, des femmes ont entrepris de lutter pour sa survie. Fondée par la biologiste Purnima Devi Barman, l’Hargila Army est une initiative de conservation de la nature entièrement féminine. Cette «armée rurale» plaide la cause du marabout en chantant sur des mélodies traditionnelles, lors de fêtes, pour sensibiliser les villageois. Autrefois confinées à leur domicile et aux tâches ménagères, ces femmes se sont ainsi affirmées en société. Et l’oiseau autrefois décrié est devenu un symbole culturel…
Cet article est paru dans le Télépro du 1/2/2024
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