L’éléphant, de retour en Europe ?
Castor, lynx, loup… y-êtes-vous ? Dans nos forêts, les animaux sauvages repointent leur museau. Et si l’éléphant ramenait sa trompe ?
Souvenez-vous… Sur le grand écran, une île perdue au large du Costa Rica et deux scientifiques qui n’en croient pas leurs yeux : dans ce «Jurassic Park» revivent des animaux disparus de la surface terrestre depuis 65 millions d’années ! Et si en 1993, le film de Spielberg n’avait eu qu’une trentaine d’années d’avance sur la réalité ? En moins spectaculaire, pas avec des espèces du jurassique mais des animaux disparus parfois depuis des siècles de nos contrées ?
Réensauvager
L’aventure vous tente ? On y est : «réensauvagement» ! En anglais, on appelle ça le «rewilding». Béatrice et Gilbert Cochet sont naturalistes. Dans «L’Europe réensauvagée, vers un autre monde», ils donnent leur définition du concept : protéger un endroit pour lui permettre de retrouver son fonctionnement naturel. À première vue, moins spectaculaire que faire revivre des dinos, il s’agit pourtant de faire renaître un monde perdu.
Pour ces scientifiques, réensauvager «peut inclure des actions pour favoriser le retour spontané d’espèces disparues ou, s’il n’est pas possible, les réintroduire». Objectif : l’homme lâche prise, la nature reprend le contrôle.
L’exemple Yellowstone
Direction les États-Unis, dans le parc national de Yellowstone (Wyoming, USA). En matière de «rewilding», une expérience menée sur son territoire en 1995 est une référence : la réintroduction du loup. Une équation aussi simple qu’efficace. Plus de loups signifie moins de cervidés. Moins de wapitis, par exemple, et moins de dégâts aux arbres, notamment sur les berges. Tout bon pour les castors, les oiseaux, les poissons, etc.
Le quotidien Le Monde cite aussi l’exemple de l’Argentine et du Chili où les fondateurs des marques Esprit et North Face sont à l’origine d’une autre «success story» : le retour d’espèces locales comme le jaguar ou le fourmilier. Un des plus importants projets de réensauvagement.
Éléphants en Europe ?
L’Europe ne joue pas dans la même division. Si une expérience du Parc National Suisse a été lancée dès 1920, le concept du «rewilding» est apparu bien plus tard sur le Vieux Continent. Depuis 2011, l’association néerlandaise Rewilding Europe veut en faire «un endroit plus sauvage, offrant plus d’espace à la vie sauvage et à la nature». En Italie, Espagne, Roumanie et Ukraine notamment, elle a réintroduit, entres autres, des bisons et des chevaux sauvages, favorisé le retour de l’ours, du loup, du chacal doré, des vautours ou des castors, «autant d’espèces clés susceptibles de façonner les écosystèmes». «Les aigles, esturgeons, phoques… reviennent aussi», souligne Gilbert Cochet.
La revue de la Royal Society évoque, elle, des projets extrêmes mais pas si farfelus : la réintroduction de grands animaux dans nos contrées dont… les éléphants ! Sans aller jusque-là, les troupeaux de grands herbivores pourraient «aider efficacement à atténuer le changement climatique», conclut une étude de l’université du Sussex, au Royaume-Uni.
Chez nous, le projet Nassonia vise aussi à «renaturer» 1.650 hectares de forêt à Saint Michel-Freyr (Nassogne, province du Luxembourg). «Restaurer les habitats, protéger les espèces en danger, en réintroduire certaines et aboutir à une harmonie entre l’homme et la protection de l’environnement». Ce n’est pas «Jurassic Park» mais malgré tout, le retour, à petit pas, d’un monde perdu…
Cet article est paru dans le magazine Télépro du 19/11/2020
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