Le temps qui passe

Extrait du documentaire «La Fabrique du temps» (France 5) © France 5/Écrans du monde
Stéphanie Breuer Journaliste

Depuis des millénaires, l’Homme a tenté d’apprivoiser et de mesurer le temps.

Qu’il s’écoule lentement ou qu’il file à une vitesse folle, le temps dicte le rythme de nos existences. De tout temps, il a constitué l’une des plus grandes obsessions de l’Homme. Jeudi (20.55, France 5), le documentaire «La Fabrique du temps» part sur la trace des inventeurs de génie qui ont révolutionné notre perception du temps.

Dès la Préhistoire, les premiers hommes se tournent vers le ciel et observent l’alternance entre le Soleil et la Lune. «Ces deux astres deviennent rapidement les deux maîtres d’œuvre de la division du temps sur le long terme», raconte, sur France 5, Denis Savoie, historien des sciences. Grâce aux mathématiques et à l’astronomie, les Babyloniens et les Égyptiens commencent à mesurer le temps. Les premiers nous lèguent une division des heures et des minutes en soixante, les seconds imaginent un calendrier dont l’année compte 365 jours.

Ces avancées donnent aux communautés agricoles la possibilité d’anticiper les crues, préparer les semis, lancer les récoltes… Le gnomon, simple bâton planté à la verticale, permet, lui, de connaître l’heure grâce à l’ombre projetée au sol. «Rapidement le temps devient un enjeu», poursuit l’historien. «Car ça permet la prévision de phénomènes, l’organisation d’une société, d’une vie sociale et d’une vie économique.»

Déjà sous l’emprise du temps

En Grèce, les savants et philosophes franchissent de nouvelles étapes. Dans un souci de garantir l’égalité du temps de parole lors d’un procès ou d’une assemblée, ils répandent l’usage d’un outil prodigieux, la clepsydre («voleur d’eau», en grec), tandis que Ctésibios imagine, au IIIe siècle avant J.-C., la première horloge hydraulique.

À Rome, les cadrans solaires, héritiers des gnomons et véritables objets d’art, rythment les journées. «À l’époque de César et Auguste, les gens se plaignent des cadrans solaires», raconte Denis Savoie. «Ils disent qu’avant, ils mangeaient quand ils avaient faim. Maintenant, il faut manger quand il est midi au cadran. Être sous l’emprise du temps date déjà de l’Antiquité !»

Après une période antique florissante, en Europe, le monde chrétien impose un tout autre rapport au temps : les heures canoniales scandent alors la vie des Hommes. Et il faut attendre la fin du Moyen Âge et la vogue des horloges mécaniques pour abandonner les heures variables selon les saisons et imposer des heures équinoxiales, soit d’égale durée toute l’année.

Objectif stratégique

Si, au départ, la mesure du temps permettait surtout d’organiser la vie agricole et sociale, elle prend une autre dimension au XVIIe siècle car se situer dans le temps permet aussi de se situer dans l’espace. La conquête du temps devient alors un objectif stratégique pour les grandes puissances maritimes.

De même, la révolution industrielle et le développement du chemin de fer changent radicalement notre perception du temps et nécessitent de déterminer un temps universel. Plusieurs accidents ferroviaires – causés par des cheminots n’ayant pas les mêmes heures à leur montre – accélèrent la synchronisation des horloges.

Et, en 1884, la conférence de Washington choisit le méridien de Greenwich comme référence pour la création d’un système de fuseaux horaires.

Paradoxalement, alors que le temps semble enfin s’écouler de façon identique pour tous, cette conception est remise en cause, quelques années plus tard, par Albert Einstein qui prouve, avec sa théorie de la relativité, qu’en réalité, le temps absolu n’existe pas…

Cet article est paru dans le Télépro du 21/10/2021

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