«Le Silence de la mer», à l’aube des Éditions de minuit

Jean Bruller, dit Vercors, en 1945. Il est le cofondateur des Éditions de Minuit et son premier auteur, avec «Le Silence de la mer»... © France 5/Bibliothèque Doucet

Ce vendredi à 22h25 sur France 5, le documentaire «Le Silence de la mer, une édition dans la résistance» raconte l’incroyable histoire des Éditions de minuit, créées pendant la Seconde Guerre mondiale.

«Un chef qui n’a pas l’amour des siens est un bien misérable mannequin…» Une citation, parmi d’autres, de la nouvelle intitulée «Le Silence de la mer». Un classique signé Jean Bruller, dit Vercors. Œuvre publiée en pleine Deuxième Guerre mondiale, elle est entourée d’une aura toute particulière.

Les années noires

1942. La presque totalité de l’Europe occidentale est sous domination nazie. La fin de l’année marque un tournant dans le conflit. Hitler lance ses troupes à l’assaut de la Russie dans l’espoir de s’emparer des puits de pétrole du Caucase et de faire du pays une colonie allemande. C’est le début de la fin. Mais en France, on est loin de déjà l’imaginer.

En novembre 1942, la Wehrmacht augmente même son emprise sur le pays. Après avoir laissé le gouvernement de Vichy gérer une partie de l’Hexagone, elle occupe désormais tout le territoire.

De son côté, la Résistance s’organise. Au début de l’année, Charles de Gaulle, «chef des Français libres», en exil provisoire à Londres, envoie le préfet Jean Moulin en France. Il est parachuté en Provence la nuit du 1er au 2 janvier avec pour mission d’unifier la Résistance intérieure et de placer celle-ci sous le commandement du général. Les Français n’ont toutefois pas attendu ce moment pour résister à l’occupant.

Sous le manteau

«Le Silence de la mer» en est un témoin scriptural. À l’époque, Jean Bruller a 40 ans. Ce dessinateur et écrivain, entré en Résistance, écrit sous le pseudonyme de Vercors. Quelques mois plus tôt, il a fondé avec Pierre de Lescure, journaliste et lui aussi écrivain, une maison d’édition clandestine : les Éditions de Minuit.

Le premier livre publié est signé Vercors. Il s’intitule «Le Silence de la mer» et commence à circuler sous le manteau, dès février 1942. Une aventure risquée pour tous ceux qui participent à la fabrication et la distribution du livre dans un pays sous surveillance. En racontant l’histoire étonnante de cet acte de résistance civile, le documentaire «Le Silence de la mer, une édition dans la résistance», proposé vendredi sur France 5, dresse un tableau peu connu du monde littéraire sous l’Occupation.

Un silence qui fait parler

Une incroyable aventure pour une œuvre qui ne l’est pas moins. L’auteur, révolté par la capitulation de 1940, y raconte l’histoire d’un officier allemand, le capitaine Werner von Ebrennac qui réquisitionne la maison d’un homme âgé vivant avec sa nièce.

Un ennemi loin des images caricaturales, sanguinaires et brutales : humain, il est devenu militaire par tradition familiale, mais aurait préféré embrasser la carrière de musicien. À travers des monologues prônant le rapprochement des peuples et la fraternité, il tente, sans succès, de rompre le mutisme de ses hôtes, seule manière pour eux d’exprimer leur patriotisme.

Réédition à Londres

Au moment de sa parution, la nouvelle est accueillie favorablement. Le Général de Gaulle la fait même rééditer à Londres. Par la suite, certains reprocheront à l’auteur d’avoir présenté un Allemand trop sympathique.

Comme on peut le découvrir sur leur site, jusqu’à la libération de Paris, les Éditions de Minuit firent paraître, grâce à une poignée d’imprimeurs courageux, une vingtaine de plaquettes où se retrouvaient, sous pseudonymes, quelques-uns des plus grands écrivains français, d’Éluard et Aragon à Maritain et Mauriac.

Cet article est paru dans le Télépro du 11/11/2021

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