Le retour des machos

Et ils ne se cachent même plus... © Getty

Les machos reviennent. La faute au rap, au porno, aux jeux vidéo… et au manque d’éducation. Ce lundi à 22h, La Trois diffuse un documentaire intitulé «Le Petits machos sont de retour», qui analyse cet inquiétant phénomène.

Avec sa démarche chaloupée, son sourire en coin et son accent italien, il nous a bien fait rire dans les années 1970 et 80. Aldo Maccione était le prototype du macho. Et c’était la classe. Mais l’acteur a aujourd’hui 84 ans et son machisme semble complètement ringard. Notre époque est à la parité et au #MeToo. Pourtant, des chercheurs l’affirment : le machisme revient en force chez les jeunes. Un sujet à découvrir lundi soir sur La Trois, dans un documentaire de la journaliste suisse Sofia Pekmez, «Les Petits machos sont de retour».

Balance ton quoi

«Ils parlent tous comme des animaux…» Ces quelques mots, vous les connaissez : c’est le début de «Balance ton quoi», le hit antisexiste d’Angèle. Des garçons qui parlent «comme des animaux», Sofia Pekmez n’a pas eu de mal à en trouver. «J’en ai rencontré des dizaines, tenant des propos machistes d’un autre temps. C’était édifiant.»

Diego, par exemple. «En 2019, les filles elles ont poussé des ailes», affirme-t-il. «Elles se sentent plus, elles croient qu’elles peuvent nous dominer. Alors qu’une femme et un homme, ça peut pas être la même chose. L’homme, c’est le boss de la maison. C’est comme ça.»

Sofia s’interroge : «Comment en est-on arrivé là ? Comment un jeune homme peut-il tenir de tels propos ?» L’université de Zurich a mené une étude d’envergure, répétée trois fois en quinze ans. Le machisme a été mesuré sur base d’une série d’affirmations comme «Un homme doit être prêt à frapper si quelqu’un dit du mal de sa famille». Dans la dernière vague de l’étude, 43,3 % des ados interrogés étaient d’accord avec cette affirmation. Sept ans auparavant, ils n’étaient que 29,7 %…

La femme dégradée

Pourquoi assiste-t-on à une telle résurgence du machisme ? La réponse est évidemment plurielle. D’abord, la parole s’est libérée. On dit aujourd’hui les choses plus franchement qu’avant. En bien, mais aussi en mal…

La sexualité s’est également libérée. On peut désormais s’afficher homosexuel, bisexuel, transgenre. «Cela crispe une partie des jeunes hommes», constate Hugues Paris, pédopsychiatre. «En réaction, ils vont adopter un discours identitaire sexuel pour se positionner du côté de l’hypervirilité, du machisme.»

La consommation culturelle des jeunes est aussi en cause. À commencer par celle de jeux vidéo violents et de contenus pornographiques. Ils véhiculent de la femme une image dégradée, que les ados finissent par banaliser. Comment s’étonner, dès lors, qu’ils traitent toutes les filles de «pute» sans sourciller ?

La face sombre du rap y est également pour quelque chose. On se souvient du scandale qu’avait créé l’Union belge en proposant qu’une chanson de Damso devienne l’hymne des Diables Rouges pour la Coupe du Monde 2018. Le rappeur s’est fait connaître avec des textes sexistes et violents. Tout comme Booba ou Kaaris, dont certains écoutent en boucle les chansons misogynes.

«Accepter l’autre dans sa différence, c’est tout le travail de civilisation», rappelle Hugues Paris. «Et pour cela, il n’y a qu’une chose : l’éducation. L’éducation des hommes et l’éducation des femmes, parce que les femmes éduqueront ensuite les hommes.»

Un sujet délicat

Dans son étude, l’université de Zurich aborde aussi un sujet délicat : l’impact des flux migratoires sur la recrudescence du machisme. Face à l’affirmation «Celui qui ne se défend pas avec violence contre les insultes est une mauviette», 34,4 % des jeunes Suisses nés de parents suisses marquent leur accord, alors qu’ils sont 55,3 % chez ceux dont les parents sont nés à l’étranger. «Les jeunes migrants sont plus sexistes que les autres», constate Sofia Pekmez. «Cela s’explique : ils sont souvent issus de sociétés patriarcales, et ils restent inféodés au discours traditionnel de leurs parents.»

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 14/5/2020

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