Le mur des Lamentations : entre haine et amour
Objet de toutes les convoitises, source de bien des conflits, jamais un pan de mur n’a suscité autant d’admiration que de désamour, pour ne pas dire de haine. Ce samedi à 18h15 sur Arte, le magazine «Faire l’Histoire» s’y intéresse.
Il y a d’abord ce que la Bible nous rapporte comme étant le temple de Salomon, première bâtisse d’importance érigée au Xe siècle avant notre ère à Jérusalem, qui compte alors quelques centaines d’habitants. Il est détruit en 586 avant Jésus-Christ par les Babyloniens au faîte de leur puissance.
Un deuxième temple lui succède 70 ans plus tard sous le règne de Darius. Agrandi considérablement par le roi Hérode et inauguré en grandes pompes en 63 de notre ère, il sera détruit sept ans plus tard lors de la guerre qui oppose les Juifs aux Romains.
Témoin de cette époque, l’historien Flavius Josèphe note : «Titus César donna aussitôt l’ordre de détruire toute la ville et le temple tout en conservant toute la partie du rempart qui entourait la ville du côté de l’ouest.»
Le retour des Juifs
Une nouvelle fois rasée en 135, Jérusalem est reconstruite sur le plan classique d’une cité romaine et prend le nom d’Aelia Capitolina. Dès lors, la ville sera interdite à ses habitants d’origine jusqu’au IVe siècle quand Jérôme de Stridon, l’un des quatre Pères de l’Église, après une violente diatribe antisémite, écrit que «les Juifs ont reçu la permission de se lamenter sur les ruines de la ville moyennant paiement». Cette autorisation n’est valable qu’un jour par an.
Était-ce sur le fameux mur ou au Mont des Oliviers qu’ils venaient se recueillir ? La question fait encore débat. La situation devient plus favorable après la conquête de Jérusalem par les musulmans. Ils rendent aux Juifs le droit d’à nouveau pratiquer librement leur religion. La Porte de la Miséricorde et son mur deviennent un lieu de prière incontournable. L’Empire ottoman, le nouvel occupant, ne touchera pas à la liberté de venir s’y recueillir.
Sous le contrôle d’Israël
Lorsque la Palestine est ensuite administrée sous mandat britannique, de violentes émeutes éclatent en 1929 autour du mur et s’étendent jusqu’à Hébron, où des Juifs sont massacrés. Dorénavant, le mur est la propriété des musulmans, mais avec la possibilité pour les Juifs d’y prier.
Lors de la première guerre israélo-arabe de 1948, la Jordanie prend le contrôle du lieu et y interdit l’accès aux Juifs. La Guerre des Six Jours en 1967 met fin à cette situation, Israël occupant dorénavant la vieille ville de Jérusalem. Le mur des Lamentations redevient accessible à tous et la nouvelle autorité fait raser un quartier entier pour donner plus d’espace à la prière.
Différentes fouilles mettent au jour la cité antique. De nos jours, le mur reçoit, glissés dans les fentes de ses pierres, jusqu’à un million de souhaits divers et de prières qu’il est d’ailleurs possible de faire parvenir par courriel. Les papes Jean-Paul II et François ne se sont pas soustraits à cette tradition, comme Jacques Chirac, dont on se souvient de la visite mouvementée dans la vieille ville, et Emmanuel Macron.
À deux pas de là se dresse l’esplanade des Mosquées que les Juifs nomment Mont du Temple et les musulmans Noble Sanctuaire, en raison notamment de l’imposante mosquée Al-Aqsa. Lieu éminemment sacré, l’esplanade est malheureusement le théâtre régulier d’affrontements entre musulmans et police israélienne. Puisse-t-elle devenir un jour ce lieu de tolérance et d’acceptation de l’autre, à l’image de ce que devrait symboliser la Ville sainte, celle de trois religions.
Texte : Hervé GÉRARD
Cet article est paru dans le Télépro du 21/4/2022
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