Le lapin, la méduse, la science et l’artiste
Le bio-art emprunte des sentiers à la croisée de l’art et de la science. Mercredi, Arte revient sur «l’art transgénique et l’intelligence artificielle». Tout un programme…
L’union de l’art et des nouvelles technologies peut engendrer une bien étrange progéniture. Jugez plutôt. Maja Smrekar est une artiste plasticienne slovène renommée. Ce qui la passionne ? Les changements dans notre société provoqués par l’utilisation des nouvelles technologies. Son imagination ayant banni le mot «limite» de son vocabulaire, elle fait mine, en 2014, de créer une espèce hybride en faisant transplanter l’ADN de son chien dans l’un de ses ovules (préalablement «vidé» de son ADN humain) !
«On a arrêté la division de la cellule au stade préembryonnaire à la fin du troisième jour, puis stoppé les hormones, et cessé de la nourrir. On l’a ensuite cryogénisée», explique l’artiste. Maja Smrekar donne ainsi naissance à une sculpture moléculaire congelée pour l’éternité !
On appelle cela de l’art mutant. Une contrée aussi extravagante qu’intrigante dans les méandres de laquelle nous nous aventurons pour un voyage singulier. Accrochez vos ceintures, on décolle.
Artistes ou scientifiques ?
Plutôt qu’art mutant, certains préfèrent appeler cette nouvelle forme d’art «bio-tech» ou «bio-art». Les premiers bio-artistes apparaissent dans les années 1980, laissant le monde entier s’interroger : ces femmes et ces hommes sont-ils artistes ou scientifiques ?
«Les œuvres créées sont des Bio-Œuvres se situant entre art, technologie, sciences naturelles, environnement, société et la vie (au sens large)», résume le média web Notre-planète. info. Au tout début du XXI
Une lapine pas comme les autres
Eduardo Kac est un artiste américano-brésilien. En 2000, son truc à lui, c’est l’art transgénique et il va faire très fort. À la suite d’une visite, en France, à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), il présente dans son catalogue d’œuvres une lapine qu’il a baptisée Alba. Particularité ? Lorsqu’on éclaire Alba aux ultraviolets, elle devient fluorescente : son ADN a été mêlé à celui d’une méduse !
Les associations de défense des animaux montent au créneau, le monde scientifique (dont l’INRA) l’attaque…, mais le coup médiatique est du tonnerre et fait titrer avec humour à certains journaux de l’époque : «À quand des éléphants roses ?».
La métamorphose du papillon et du pigeon
D’autres exemples ? L’artiste portugaise Marta de Menezes travaille sur les ailes de papillons. Les manipulations (piqûres, micro-greffe…) sont effectuées sur la chrysalide. Au bout du compte, le papillon présente une aile avec un motif normal et l’autre avec un motif modifié artificiellement.
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De son côté, Tuur Van Balen a mis au point, avec un laboratoire, un procédé permettant de créer un pigeon capable d’excréter des bulles de savon… La diversité biologique est une œuvre d’art : CQFD.
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L’œuvre d’art, c’est moi
Le plus incroyable est encore à venir. Si le bio-art s’intéresse à l’animal sous l’angle de la modification des corps, l’humain fait aussi partie de ses préoccupations. L’artiste devient alors l’objet de ses expérimentations.
En 2011, la Française Marion Laval-Jeantet se fait transfuser du sang de cheval pour les besoins d’une performance artistique. «J’ai ressenti possiblement l’impression d’être un peu cheval», déclare-t-elle après cet acte «militant écologique».
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Business
Sur le marché de l’art, à côté des peintures ou des sculptures de maîtres, on trouve aussi du bio-art. Les graines de fleurs hybrides de Steichen se vendent 2,5 euros le paquet de 50. Mais on retrouve des œuvres de Kac notamment aux Musées d’art moderne de New York et de Rio de Janeiro ainsi que dans plusieurs collections d’entreprises privées.
Leurs prix n’a plus rien à voir avec celui des graines. Les détracteurs ne se privent d’ailleurs pas de montrer du doigt l’artiste brésilien et le confronte à ses contradictions. «Il dit se battre pour que la part cachée de la science soit enfin révélée au grand public, mais montre une image truquée de sa célèbre lapine : seuls ses oreilles, ses pattes et ses yeux sont censés rayonner et non tout son pelage». Spectacle et marketing obligent ?
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