«Le Belge doit se réhabituer au loup»

Trois meutes se sont installées en Wallonie depuis deux ou trois ans © Getty Images

Samedi à 20h50 Arte diffuse un documentaire inédit, «Marche avec les loups». Son réalisateur a suivi pendant trois ans un jeune loup, des Hautes-Alpes au Jura. Qu’en est-il en Belgique ?

Combien de loups peut-on dénombrer sur le territoire belge ? Réponse avec Sophie Clesse, responsable de la Wolf Fencing Team Belgium – Wallonie.

Les loups ont-ils été réintroduits en Belgique, ou sont-ils revenus naturellement ?

Il s’agit d’un retour naturel. Le loup gris est revenu chez nous via deux voies différentes : la voie italo-alpine (depuis l’Italie en traversant les Alpes) et la voie germano-polonaise (depuis les pays de l’Est en passant par l’Allemagne). La première détection officielle en Belgique date de 2016. On a constaté en 2018 qu’un loup – baptisé Akela – s’était installé dans les Hautes-Fagnes. Une louve, Maxima, l’a rejointe en 2020 et le couple s’est reproduit une première fois en 2021. Ils ont ainsi constitué une meute. Une meute est formée d’une cellule familiale composée du couple reproducteur, des louveteaux de l’année et ceux de l’année précédente, qui partiront bientôt. En 2021, un mâle a été signalé dans le Nord Eifel et a été rejoint en 2022 par une des femelles de la première meute. Une troisième meute s’est récemment développée dans le sud des Hautes-Fagnes, grâce à un fils d’Akela et Maxima. Trois meutes se sont donc installées en Wallonie, auxquelles il faut ajouter trente-cinq loups «dispersants» détectés depuis 2016, qui quittent leurs parents et cherchent un territoire. Dans le nord du pays, une meute s’est installée dans le Limbourg mais le mâle s’est fait écraser. Une femelle solitaire vit dans la région d’Anvers.

Comment la population réagit-elle ?

Après un siècle d’absence, la première détection d’un loup a causé un choc. Les attaques de troupeaux sont difficiles à vivre. Le loup s’installe petit à petit, certains l’acceptent, d’autres pas. Nous proposons à la fois un dédommagement et une protection. Quand une attaque a lieu en Wallonie, le Réseau Loup s’assure d’abord qu’il s’agit bien d’une attaque de loup, grâce à des analyses ADN. En effet, les chiens font aussi beaucoup de dégâts chez les moutons ou les bovins. Une fois l’expertise confirmée, le Réseau Loup détermine l’indemnité à verser à l’éleveur.

Que propose votre organisation ?

La Wolf Fencing Team veut surtout travailler sur la prévention. Nous concevons des clôtures adaptées aux besoins de l’éleveur ou du propriétaire privé et ayant pour objectif d’empêcher le loup d’entrer dans les pâtures, qu’il s’agisse de protéger des ovins, des caprins ou des équins. Nous offrons la main d’œuvre et nous plaçons ces clôtures gratuitement.

La population réagit-elle différemment dans le sud ou le nord du pays ?

Non, les avis sont partagés de part et d’autre de la frontière linguistique. Les esprits se sont enflammés dans le Limbourg car des poulains ont été attaqués. Ces attaques sont encore plus traumatisantes car il y a un lien affectif parfois plus important entre l’éleveur et son cheval. Une partie de la population voudrait pouvoir chasser le loup, qu’il ne soit plus une espèce protégée. Il n’y a pas (encore) eu d’attaque de poulain en Wallonie. Dans la grande majorité, il s’agit de moutons, et quelques rares cas de jeunes bovins. L’objectif est d’avoir une communication transparente et constructive, et de trouver des solutions pour protéger à la fois les éleveurs et les propriétaires privés. Toutes les informations sont publiques et accessibles, notamment sur le site biodiversite.wallonie.be. Il y a tout un mythe autour de loup et la peur est ancrée en nous depuis l’enfance. Rappelons que le loup n’attaque pas les humains !

Cet article est paru dans le Télépro du 12/10/2023

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