Le ballon de la liberté qui a survolé le rideau de fer

Doris Strelzyk et son fils Andrea devant la nacelle de leur montgolfière, exposée au Musée du Mur à Berlin © Isopix

En 1979, deux familles est-allemandes passent à l’ouest d’une manière incroyable, mais vraie !

15 septembre 1979, au milieu de la nuit. Deux hommes enlacent les policiers ouest-allemands qui leur font face. Une demi-heure plus tôt, Peter et Günter embarquaient avec femmes et enfants à bord d’une montgolfière de fortune pour fuir la République démocratique allemande. Retour sur cette stupéfiante histoire, qui fait l’objet, dimanche à 17h45 sur Arte, d’un épisode de la collection documentaire «D’après une histoire vraie».

Deux familles à l’Est

En 1979, les Strelzyk, Peter, Doris et leurs fils de 11 et 15 ans, fréquentent couramment les Wetzel, Günter, Petra et leurs garçons de 2 et 5 ans. Les deux familles vivent à Pössneck une petite ville qui n’a de remarquable que sa situation. Elle ne se trouve qu’à 30 kilomètres du rideau de fer qui sépare l’Allemagne en deux depuis 1949.

Les Strelzyk et les Wetzel habitent du côté de la République démocratique allemande. Épuisés par les conditions de vie, les pères de famille prennent une décision : fuir pour passer à l’Ouest. Mais la frontière est réputée inviolable. Il faut faire preuve d’imagination. C’est en lisant un article sur les montgolfières que l’inspiration vient à Günter. Et si la voie aérienne était la seule option ?

Papas couturiers

Dans le plus grand secret, les familles se lancent dans la fabrication de leur montgolfière artisanale. En juillet, leur première tentative est un échec. Le vent, trop faible, arrête la course de l’aérostat à seulement 200 mètres de la frontière.

Une semaine plus tard, la Stasi, à la fois police politique et service d’espionnage et de contre-espionnage de la RDA, découvre la carcasse et de nombreux indices. Pourchassés, effrayés, mais pas découragés, les Strelzyk et les Wetzel se lancent dans la confection d’un nouveau ballon. Couture intensive, construction d’une nacelle faite de tôle, d’acier et de cordes. Ils redoublent d’efforts… et de prudence.

L’envol

Dans la nuit du 15 septembre, le vent leur semble enfin favorable. Les huit fuyards abandonnent tout derrière eux. En quelques minutes, le ballon s’envole à 2.000 mètres d’altitude. Après 28 minutes, les bouteilles de propane sont vides. La montgolfière s’écrase en bordure d’une forêt. Les femmes et les enfants se cachent tandis que les hommes vont à la rencontre de deux policiers envoyés en repérage.

Plusieurs personnes, cette nuit-là, ont levé les yeux au ciel pour voir une étrange boule lumineuse se rapprocher. Peter et Günter leur demandent s’ils sont à l’Ouest. Leur joie explose quand ils réalisent qu’ils ont réussi. Leur bouée de sauvetage volante les a emmenés 20 kilomètres vers le sud, à Naila, un village de Bavière. Les rescapés se voient offrir des logements, des emplois, une aide financière et font la une de la presse locale.

Scénario hollywoodien

Deux familles avides de liberté s’enfuient en montgolfière… Un scénario digne d’un film hollywoodien ! Et les studios Disney sont bien d’accord. En 1982, «La Nuit de l’évasion» projette sur grand écran la fuite des Est-Allemands pour échapper à la dictature communiste. En 2018, c’est au tour du réalisateur allemand Michael Bully Herbig de s’emparer de l’histoire avec «Le Vent de la liberté», richement documenté grâce aux dossiers accumulés par la Stasi et exhumés par Peter Strelzyk.

Cet article est paru dans le Télépro du 8/7/2021

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