L’antoinisme, religion pure belge
Au début du XXe siècle, un mineur liégeois nommé Antoine fonde la seule et unique religion belge : l’antoinisme. Son culte, aujourd’hui en déclin, a pourtant eu des milliers de fidèles… Ce samedi à 22h25, La Trois diffuse un documentaire intitulé «Antoine le Guérisseur».
Jemeppe-sur-Meuse, 15 août 1910. Louis-Joseph Antoine (1846-1912), auto-proclamé «Le Père», sanctifie le premier temple dédié à sa religion. Avec sa longue lévite noire et sa barbe blanche noyée sous une abondante chevelure, il évoque un patriarche de la Bible. Une foule de dévots se presse au pied de la chaire pour boire ses paroles : «Quoi qu’il vous arrive, je serai avec vous pour sanctifier votre épreuve.» Par quel miracle ce fils d’ouvriers wallons est-il devenu un guérisseur réputé ?
Dès l’enfance, Antoine montre une grande ferveur religieuse. Élevé dans une pauvre famille catholique, il suit son père dans la mine de Flémalle. À 12 ans, il reçoit un «signe divin» : sa lampe de mineur s’éteint ! Il quitte le charbon pour la métallurgie à Seraing. Cependant, la guerre franco-allemande de 1870 chamboule son destin : enrôlé, il tue accidentellement un camarade… Ce qui l’amène à s’interroger sur le sens profond de la vie.
Spiritisme
Il trouve ses réponses dans… le spiritisme, qui devient sa nouvelle passion. Avec son épouse, Catherine Castille, ils fréquentent assidument les réunions spirites. Jusqu’à la mort de leur fils, 20 ans, de constitution fragile. Antoine s’enfonce alors dans l’occultisme et organise ses propres séances à son domicile. Lors de l’une d’elle, lui apparaît le spectre de son défunt fils devenu… «pharmacien à Paris» – la réincarnation faisant partie de la croyance antoiniste.
Considérant la santé comme «le plus grand des biens terrestres», il se découvre… des dons de guérisseur ! Les malades affluent chez lui par centaines. Sa technique consiste à manipuler les «fluides» (pensées) en les «restaurant par la foi». Celui que l’on surnomme alors «le guérisseur de Jemeppe» devient l’alternative au catholicisme et à la médecine traditionnelle. Ce qui lui vaut des ennuis judiciaires. Accusé d’«exercice illégal de la médecine», il plaide non coupable en 1900, déclarant n’avoir «jamais prescrit de médicaments ni découragé ses fidèles à consulter un professionnel». Il sera acquitté.
Nouveau procès en 1906. Des soupçons de dérive sectaire pèsent sur sa doctrine. En France, elle fut d’ailleurs classée comme telle en 1995 avant d’être invalidée par une circulaire en 2005. À la barre, ses «miraculés» le soutiennent : «Son culte ne pratique pas le prosélytisme, est gratuit et financé par des dons anonymes».
Chez nous, l’antoinisme sera reconnu en 1922 grâce à son épouse Catherine, qui alla jusqu’à écrire une lettre au roi Albert Ier pour obtenir son soutien. À sa mort en 1912 – sa «désincarnation» pour les adeptes –, la veuve structure le culte basé sur… les écrits de son époux. Mais, sur les quelque 300.000 sympathisants belges qui emplissaient les temples dans les années 1920 – sans compter en France, au Congo et au Brésil ! –, ils ne seraient plus que 200.
Pas de quoi décourager le frère René Balthazar, membre à Jemeppe : «Ce qui compte, ce n’est pas le nombre d’adeptes, mais la quantité de fluide qui circule.» Un optimisme… qui ne coule pas forcément de source.
Cet article est paru dans le Télépro du 28/3/2024
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