L’adresse du pouvoir
De Churchill à Margaret Thatcher, en passant par Boris Johnson, la reine Elizabeth II a supervisé l’emménagement de plus d’une douzaine de Premiers ministres au 10 Downing Street. Ce lundi à 15h05, Arte diffuse le documentaire «Downing Street : au service de Sa Majesté ?».
Il est des murs qu’on aimerait doués de parole. Les résidences où siègent les hommes et femmes d’États en font partie. Pourquoi ces lieux ont-ils été choisis pour abriter les «seconds» plus puissants de ce monde ? Immersion.
Voisins accommodants
Si vous pouviez arpenter Downing Street, en plein cœur de Londres, il y a fort à parier que ne remarqueriez même pas la porte noire arborant le numéro 10, tant l’endroit ressemble aux autres maisons de la rue. Cependant, se rendre chez le Premier ministre anglais pour prendre le thé n’est pas aussi aisé. L’entièreté de la rue est soumise à un contrôle policier accru et les plus observateurs remarqueront que la porte de la célèbre adresse n’est pas pourvue de serrure. Pour une question de sécurité, le lieu ne peut être ouvert que de l’intérieur.
Le bâtiment à la modeste devanture, proche du palais de Westminster, le Parlement, et du palais de Buckingham, résidence de la Reine, a été construit en 1685. C’est en 1732 que le roi George II offre le «number 10» à Robert Walpole, le «premier» Premier ministre, pour services rendus à la nation. Mais le cadeau est quelque peu empoisonné car la maison est loin d’être confortable. Elle sera néanmoins réaménagée au fil des siècles pour devenir, de l’aveu de l’une de ses locataires de 1979 à 1990, Margaret Thatcher, «un des plus précieux bijoux du patrimoine de la nation».
Dans les années 1940, Winston Churchill bouleverse l’usage du lieu. Il n’a que faire de cette grande résidence servie par des majordomes et transforme la maison en véritable cabinet de travail. Encore aujourd’hui, le 10 Downing Street est en réalité le bureau du Premier ministre. Mais, si ce dernier loupe son réveil, pas de tracas ! La résidence privée du chef du gouvernement se situe au… n° 11 ! Reste à savoir à quel numéro il fallait sonner pour assister aux fameuses soirées organisées par Boris Johnson durant le confinement.
Made in Belgium
Nous le savons, derrière la façade néo-classique du 16 rue de la Loi, à Bruxelles, se prennent les décisions stratégiques pour mener la politique de notre pays. Construit entre 1782 et 1784 par l’architecte Louis Montoyer, le lieu abrite d’abord le ministère des Affaires étrangères durant le régime néerlandais.
En 1847, le jeune État belge rachète le bâtiment pour y abriter différents ministères. Le Premier ministre exécute alors ses fonctions depuis le numéro 18 de la même rue. En 1944, Hubert Pierlot estime que l’endroit est bien trop exigu et décide de déménager au 16.
Entre 2010 et 2011, alors que notre pays est en proie à une crise politique le laissant sans gouvernement durant 541 jours, un site Internet décide de créer un camping virtuel en face du 16 rue de la Loi. Les internautes sont invités à s’y «installer» jusqu’à la prestation de serment du futur Premier ministre. Cette pétition originale rassemblera plus de 160.000 «campeurs».
Dorures à la française
Outre-Quiévrain, le lieu associé au Premier ministre ne porte pas simplement le nom d’une adresse, mais de toute une histoire. En 1722, faute de moyens, Christian-Louis de Montmorency-Luxembourg, prince de Tingry, se déleste de son bâtiment encore en travaux, rue de Varenne à Paris, auprès d’un autre prince, de Monaco cette-fois, Jacques de Matignon. Comme le veut la tradition, ce dernier donne son nom à sa résidence.
«Transformé en hôtel, puis offert en cadeau à l’empereur d’Autriche qui en fait son ambassade, « Matignon » connaît quelques turbulences : le voilà saisi comme « bien ennemi en 1914″» conte Le Figaro. «1934. Il redevient français. Matignon est pour la première fois « résidence officielle du président du Conseil », ancien nom du Premier ministre. Charles de Gaulle y préside le tout premier Conseil des ministres du gouvernement provisoire de la République française, le 9 octobre 1944.»
En 2022, pour la seconde fois depuis Édith Cresson, c’est donc une Première qui possède les clés de Matignon, Élisabeth Borne.
Cet article est paru dans le Télépro du 9/6/2022
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