«La Saga du rail» (France 3) : toute une histoire !

Les wagons d'antan... © France 3

Depuis près de deux siècles, le train fait voyager les hommes et leur imagination. Ce lundi à 21h05, France 3 nous retrace «La Saga du rail» à travers un fabuleux documentaire.

Chaque jour, c’était le même cérémonial. À 11 h 30, la cloche retentissait dans la cour de mon école primaire. Une fois les rangs formés, nous descendions la grand-route dans un ordre impeccable puis laissions exploser notre joie lorsque «le maître» enfin nous libérait. Alors c’était la course, la course pour arriver le premier au passage à niveau !

À 11 h 40 tapante, le préposé en cache-poussière gris sortait en courant de la petite gare (où il tenait aussi le guichet de la poste). Le képi vissé sur le crâne, il se ruait sur une grande manivelle qu’il commençait à faire tourner, vite, très vite. Et là, miracle, les barrières rouges et blanches du passage à niveau s’abaissaient. À partir de cet instant, nous commencions à compter tous ensemble : «1, 2, 3…» Combien de temps la locomotive mettrait-elle à arriver ce jour-là ? «17, 18…» : enfin, le petit train de marchandises et ses trois ou quatre wagons déboulaient. Tuuuut, tuuuut : petit coup de sifflet aussi strident que traînant… et déjà ils s’éloignaient. Direction ? Montzen, c’est tout ce qu’on savait. Était-ce loin ou près ? On l’ignorait. Mais rien qu’à le voir passer chaque jour, notre esprit voyageait.

Le grand George

À l’époque, le train nous faisait rêver. Sans doute les cours d’histoire très imagés et la narration enlevée d’un instituteur de troisième année que la glorieuse épopée du rail belge inspirait n’y étaient-ils pas étrangers. À mon hit-parade des hommes célèbres, le nom de Stephenson se hissa très vite sur un podium dont les autres marches étaient occupées par Zorro et le chevalier Roland.

Pour séduire mon cœur d’enfant, il avait suffi d’un regard : celui que j’avais posé sur un dessin de la fameuse «locomotion», la première locomotive à vapeur sortie de l’imagination de l’ingénieur anglais en 1825. Le croquis, un tantinet naïf, était très coloré : la locomotive avec sa grande cheminée et son panache de fumée immaculée transportait à travers la campagne verdoyante des passagers aux vêtements bigarrés. Tout cela grâce à Monsieur Stephenson. En plus, il se prénommait George, comme mon voisin de 15 ans auquel je vouais une admiration sans limite…

Les trois grâces

Concernant l’arrivée du train en Belgique, ma mémoire scolaire fait l’impasse sur des anecdotes que je ne redécouvrirai que bien plus tard. Les premiers trains avec des roues et des rails en bois tirés par des chevaux, la colère des mineurs montois du charbonnage du Grand-Hornu, révoltés de voir leurs collègues charretiers perdre leur emploi au profit du cheval de fer, les allégations des opposants au train prétendant que le lait transporté serait transformé en babeurre et tous les œufs cassés…

Là où mes souvenirs d’écolier raccrochent les wagons, c’est lorsqu’on évoque l’arrivée officielle du train en Belgique. Les noms des trois locomotives me reviennent immédiatement : L’Éléphant, La Flèche et Le Stephenson. Mes souvenirs de ce que le manuel disait de l’inauguration du premier tronçon entre Bruxelles et Malines, le 5 mai 1835, sont un peu plus flous : le roi Léopold qui n’aurait pas fait le trajet parce que sa sécurité n’est pas encore totalement assurée avec ce mode de transport ou encore les passants terrorisés qui se jettent au sol lorsque le train passe, tout cela est resté en gare de ma mémoire. Elle se remet en marche par contre lorsque je relis le nom de la première locomotive à vapeur noir, jaune, rouge, la «Le Belge», fabriquée à Seraing, dans les usines de John Cockerill.

Train train

Le chemin de fer vecteur essentiel de la révolution industrielle, le rail outil du développement urbain et de la géographie humaine, à vapeur, électrique, à grande vitesse… le train par-ci, le train par-là… Des origines aux 3.600 km actuels du réseau ferroviaire belge, les locomotives et leurs voitures ou wagons n’ont pas fait que transporter des personnes et des marchandises. Le train fait aussi voyager l’imagination. Celle des artistes comme Delvaux, celle des enfants qui ont grandi…

Quand je ferme les yeux, il m’arrive encore de me voir m’appuyer contre la barrière du passage à niveau et de compter. Un, deux, trois…. Toooouuuut : il est là.

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 28/5/2020

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