Histoire : retour sur la première guerre de masse, en Allemagne

L'archéologue en chef Tomas Terberger, près de la tranchée de la vallée de Tollense © Arte/Alleycats

En Allemagne du nord, à 120 km au nord de Berlin, dans la vallée fluviale de la Tollense, la découverte d’un champ de bataille de plus de 3000 ans bouleverse nos connaissances sur l’âge du Bronze. Et la société de l’époque. Ce samedi à 20h50, Arte diffuse «Le Premier champ de bataille d’Europe».

Plus de 10.000 ossements humains dont 140 squelettes quasi reconstitués d’hommes de 20 à 35 ans, des restes de chevaux, des armes à profusion (massues, lances, pointes de flèches, couteaux) … : ce que les chercheurs trouvent jour après jour à Tollense, depuis le repérage, en 1996, de l’os d’un avant-bras transpercé, est stupéfiant. Il s’agirait du théâtre de la toute première bataille rangée connue sur le sol européen. Une véritable tuerie de masse dont les vestiges analysés modifient notre vision de l’âge du Bronze en Europe, période pour laquelle, jusqu’alors, aucune preuve archéologique de conflit n’avait encore été découverte.

Carnage total

« C’est une scène de crime : on y travaille comme des policiers. On exhume les preuves en essayant de comprendre ce qu’il s’est passé », déclare l’un des deux principaux archéologues allemands sur le site, Detlef Jantzen. Entamées en 2009, les fouilles sont désormais considérées comme un indice irréfutable que les batailles homériques existaient, hélas, déjà au deuxième millénaire avant Jésus-Christ. Si Tollense est une preuve, elle démontre donc la possibilité terrifiante d’une « guerre mondiale » primitive pour le Bronze.

Les vestiges des guerriers laissent deviner que les combats se sont terminés dans un carnage total. Les soldats ont succombé à d’impressionnantes blessures causées par des armes tranchantes ou contondantes (arcs, lances, gourdins, poignards, épées) : trous béants dans les crânes, têtes écrasées, pointes en silex figées dans les os, membres brisés…

Guerriers professionnels

Selon l’autre archéologue allemand, Thomas Terberger, les restes de centaines d’autres soldats sont encore à exhumer. Sans doute des professionnels (l’analyse des squelettes a démontré que de nombreuses blessures avaient cicatrisé) aux origines multiethniques. Les batailles auraient opposé plusieurs armées. Sans doute en raison de l’emplacement stratégique de Tollense. « Ce devait être un passage important dans la contrée », estime Thomas Terberger. « Il se peut qu’il s’agisse d’un carrefour sur une ancienne route commerciale, le long de laquelle circulaient des marchandises précieuses et très convoitées. Le but de la bataille était donc probablement la recherche de la suprématie sur le lieu. »

Voici quelques années, le quotidien germanique Frankfurter Allgemeine Zeitung titrait : « La guerre de masse a été inventée à Tollense ». Une innovation dont le monde se serait bien passé.

Cet article est paru dans le Télépro du 5/9/2024

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