La peau orange des crocodiles du Gabon
Dans l’une des régions les plus sauvages et inaccessibles au monde, les forêts tropicales humides d’Afrique centrale, vit un étrange crocodile qui intrigue les scientifiques.
Mardi à 15h40, Arte nous emmène dans les grottes souterraines d’Abanda, au cœur de la forêt gabonaise. Là, dans les entrailles de la terre, cachée dans la pénombre depuis des millénaires, vit une colonie de crocodiles nains à la couleur orange. Pour mieux comprendre cette espèce, des scientifiques sont partis à la découverte de ces reptiles méconnus.
Fait comme un croco
L’histoire du crocodile orange débute il y a trois mille ans, au Gabon. À cette période, le niveau de la mer baisse et la zone qui était côtière devient terrestre. De petits crocodiles se seraient alors réfugiés dans les couloirs souterrains des grottes d’Abanda, mais le temps passant, l’espèce grossit et devient incapable d’emprunter le même trajet pour remonter à la surface. Les crocodiles se retrouvent alors piégés dans leur refuge.
Pour s’adapter, ils deviennent de fait cavernicoles, à savoir condamnés à vivre dans l’obscurité permanente. Quelques millénaires plus tard, la région d’Abanda est connue pour être un véritable trésor naturel. De nombreux scientifiques s’y rendent donc régulièrement pour étudier les sédiments.
Il y a quelques années, le géoarchéologue français Richard Oslisly et son équipe arpentent les grottes à la recherche de traces humaines. «J’ai vu des yeux rouges… de crocodiles !», se souvient Richard dans les pages du Monde. «C’était en 2008. Deux ans plus tard, nous avons sorti un premier spécimen et nous avons remarqué qu’il était orange.»
Chauve-souris au menu
La couleur intrigue forcément les scientifiques, qui émettent plusieurs hypothèses, la première étant liée à leur alimentation. Dans leur caverne, le choix du repas est limité : des grillons, des criquets ou des chauves-souris, elles-mêmes orange.
Cependant, des études plus approfondies laissent penser que leur couleur de peau serait plutôt due à une dépigmentation liée au manque de lumière ou à la nocivité du «guano», une substance produite par les excréments de chauves-souris avec laquelle les crocodiles gabonais sont constamment en contact.
«L’urine des chauves-souris a commencé à attaquer leur peau et transformé leur couleur», poursuit Olivier Testa, spéléologue et membre de l’équipe scientifique.
À ce jour, ce crocodile cavernicole n’a été observé que dans les grottes gabonaises, on en recense une quarantaine. Aussi hors du commun soit-il, il ne constituerait cependant pas une nouvelle espèce, mais serait une version «mutante» de ses cousins osteolaemus tetraspis, des crocodiles nains vivant, eux, à la surface.
Cet article est paru dans le magazine Télépro du 12/11/2020
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