La marche sur Rome de 1922 : le coup de poker de Mussolini
En octobre 1922, le Duce lance sa «marche sur Rome» pour s’emparer du pouvoir. C’est l’acte de naissance du fascisme.
Le 25 septembre dernier, Giorgia Meloni, leader du parti post-fasciste Fratelli d’Italia, sort victorieuse des élections législatives en Italie. En 2022, l’extrême droite se retrouve aux portes du gouvernement italien. Comme il y a tout juste un siècle !
En 1922, la «marche sur Rome» (évoquée samedi à 20.35 sur La Trois dans «Retour aux sources»), initiée par Benito Mussolini (portrait diffusé dimanche à 20.55, France 5), marquait le début de plus de vingt ans de régime fasciste pendant lesquels la démocratie a fait place à la terreur et la violence.
Au sortir de la Grande Guerre, la Botte italienne, insatisfaite du traité de Versailles, plonge dans l’instabilité. Sur fond de crise économique, les ouvriers mènent des grèves, les paysans se révoltent et la guerre civile mine la démocratie italienne dans les années 1919-1920. C’est le «Biennio Rosso» («les deux années rouges»).
Contexte troublé
C’est dans ce contexte chaotique que Benito Mussolini fait son entrée sur la scène politique. Originaire d’Émilie-Romagne, cet ancien instituteur de gauche fonde, à Milan, le journal Popolo d’Italia, avant de créer les Faisceaux de combat, regroupant l’ultragauche et la droite nationaliste italienne. Ce mouvement paramilitaire, d’où est tiré le nom de fascisme, devient le Parti national fasciste.
Les élections de mai 1921 marquent une première victoire : 35 députés fascistes, dont Mussolini, entrent à la Chambre. Lorsque les militants, qui rêvent d’une révolution de droite pour remettre le pays en ordre, se réunissent à Naples, le 24 octobre 1922, pour le Congrès national du parti, Mussolini est bien décidé à brusquer l’Histoire et à partir à l’assaut de Rome.
Devant les Chemises noires (selon leur uniforme emprunté aux bataillons d’assaut de l’armée italienne durant la guerre), le Duce lance un ultimatum : «Ou ils nous donnent le gouvernement, ou nous le prenons en allant à Rome !» Mais le pari est risqué car l’armée pourrait être déployée et faire feu. Avant le début de l’insurrection prévue le 27 octobre, des villes, comme Pise, Florence ou Crémone, s’embrasent.
Le 27 octobre, 25.000 fascistes se mettent en marche vers la Ville éternelle, sous les cris de «Rome ou la mort» ! En réalité, ils sont mal armés et désemparés par la pluie diluvienne qui s’abat sur eux.
Le pouvoir ou le chaos
Pourtant, en arrivant aux portes de la capitale, ils ne rencontrent – à leur grande surprise – aucune résistance. Le Président du Conseil a bien demandé au Roi de décréter l’état d’urgence et de déployer l’armée, mais Victor-Emmanuel III, craignant d’être emporté dans la crise, refuse l’épreuve de force. Il propose plutôt à Mussolini des postes de ministres pour lui et trois adjoints.
Rentré à Milan (d’où il peut facilement rejoindre la Suisse si la situation dégénère), l’intéressé refuse «ce plat de lentilles ministérielles», selon sa propre expression. Intransigeant, il veut tout le pouvoir ou le chaos !
Le 30 octobre, coup de théâtre ! Le Roi cède : il lui propose de devenir Président du Conseil (l’équivalent de Premier ministre) et de former un gouvernement. Mussolini saute dans le train pour rejoindre ses militants à Rome. Sa démonstration de force a fonctionné, le Duce a réussi son «incroyable coup de bluff», selon Giulia Albanese dans «La Marche sur Rome : mise en scène ou vraie prise de pouvoir» (L’Histoire), qui marque «le début de la dictature fasciste»…
Cet article est paru dans le Télépro du 20/10/2022
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