La guerre qui changea l’Europe

Le 7 octobre 1870, Léon Gambetta, ministre de l’Intérieur français, parvient à s’enfuir de Paris, assiégé, en montgolfière © Getty Images

La passionnante série documentaire «1870-1871 – La guerre franco-prussienne» revient sur le conflit qui transforma l’Europe. À voir ce lundi à 9 h 25 sur Arte.

Le 19 juillet 1870, la France de Napoléon III entre en guerre contre la Prusse de Guillaume Ier, alliée à plusieurs États allemands. Après quelques mois, la France doit accepter la défaite, la perte de l’Alsace et de la Lorraine. Et les Français sombrent bientôt dans un nationalisme revanchard, qui se diffusera pendant la Belle Époque et conduira à la Première Guerre mondiale… Entretien avec l’historienne française Julie d’Andurain, l’une des intervenantes d’une fresque passionnante sur ce conflit, «1870-1871 – La guerre franco-prussienne» (en trois volets), diffusée lundi matin sur Arte.

Julie d’Andurain, quelle est la nature de la guerre franco-prussienne ?

Des États allemands coalisés dirigés par la Prusse mènent des attaques dans le nord et l’est de la France, vers la Loire et autour de Paris. Les combats, d’une violence inédite, entraînent de lourdes pertes, l’armée française ayant surestimé ses capacités militaires. En outre, pour la première fois dans l’histoire des conflits, la résistance vient des civils, ce qu’évoque notamment l’émouvant Journal 1867-1871 de Geneviève Bréton (Éd. Ramsay, 1985, ndlr).

En quoi ce journal constitue-t-il une source passionnante ?

Il s’agit du témoignage rare d’une jeune femme de bonne éducation, issue d’un milieu bourgeois et qui s’exprime très bien. Son père la laisse libre de choisir son mari, ce qui est extraordinaire pour l’époque. Lorsque la guerre éclate, sa vie bascule. Elle prend alors conscience à la fois de la légèreté des années précédentes et de la difficulté de survivre. Paris assiégé est en proie à la famine et l’unique solution consiste parfois, comme elle le relate, à se nourrir de rats ou de chiens errants. Elle évoque aussi le rôle prépondérant des femmes et leur dévouement pour parvenir à trouver des moyens de subsistance. Pour moi, son journal représente une amorce de féminisme.

La série s’appuie aussi sur les spectaculaires photographies de William Howard Russell, l’un des premiers correspondants de guerre…

À cette époque, on les nomme des publicistes, c’est-à-dire des journalistes qui ne sont pas tenus de nuancer leur propos et affichent leurs opinions. D’origine irlandaise, Russell a notamment couvert la guerre prusso-danoise en 1850, date à laquelle on commence à utiliser la photographie pour rendre compte des conflits. Avec l’essor de la presse, son usage se généralise durant la guerre de Sécession. Pour la première fois, le public découvre des images de cadavres. Par respect pour les victimes et leurs familles, les éditeurs de presse décident alors de ne plus montrer les morts de leur propre camp. Seules les images des rangs adverses sont utilisées à des fins de propagande.

Qu’est-ce que cette guerre a changé ?

Avec la défaite française et la constitution d’une Allemagne forte, elle conditionne une bonne partie du XXe siècle et notamment ce sentiment de revanche qui va conduire à la Première Guerre mondiale. Par ailleurs, la France ne regarde plus vers la ligne bleue des Vosges pour élargir ses frontières, mais mise sur la conquête coloniale.


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