La Dame à la capuche : visage de la préhistoire
Aussi appelée Dame de Brassempouy, elle est le premier visage humain sculpté. Elle a 25.000 ans… Ce samedi à 18h15 sur Arte, le magazine «Faire l’Histoire» lui est consacré.
Brassempouy dans les Landes. Une petite commune du sud-ouest de la France. À 2 km du petit village de 300 âmes, une forêt. Nous sommes en 1880, le propriétaire des terres fait élargir le chemin menant à une carrière, de l’autre côté du bois. Le chantier vient de commencer quand des ouvriers ont l’attention attirée par des ossements découverts dans un talus. Pas de doute, ils appartiennent à des espèces animales disparues.
La curiosité du propriétaire est piquée au vif. Il fait fouiller les lieux et l’on découvre l’entrée d’une caverne. Des objets préhistoriques sont mis au jour mais, après quelques mois, les fouilles sont abandonnées. Les ouvriers l’ignorent : une découverte archéologique majeure se trouve à portée de leurs mains.
Découverte inestimable
Les années passent. Sous la direction de deux archéologues, Édouard Piette et Joseph de Laporterie, les recherches reprennent. Les sédiments qui remplissent les 40 m de la grotte sont passés au peigne fin. Ce que les deux hommes découvrent dépasse tous leurs espoirs. Cinq petites statuettes en ivoire de mammouth.
Dans le bulletin du 6 décembre 1894 de la Société d’anthropologie de Paris, ils décrivent leur pièce maîtresse. Elle est minuscule (à peine quelques centimètres) mais ce qu’elle représente est d’une taille inestimable pour l’archéologie. Un visage de forme sub-triangulaire, pas de bouche, d’oreilles ni d’yeux (exceptée la pupille de l’œil droit) mais un front, des sourcils, un nez et un menton en relief, des tresses (à moins que ça ne soit un voile, une capuche ou une résille), un cou mince et allongé : elle est baptisée La Dame à la capuche ou Dame de Brassempouy. Elle a environ 25.000 ans.
Pour le Musée français d’archéologie nationale, où la statuette est visible depuis 2008, elle est «la plus célèbre et la plus émouvante des œuvres d’art préhistoriques car elle nous apporte l’image la plus réelle et la plus vivante de la femme paléolithique».
Cherchez l’homme
Jusqu’à cette découverte, les représentations du visage humain dans l’art préhistorique étaient excessivement rares. Celle de l’homme en particulier. Dans son ouvrage «La Peinture préhistorique. Lascaux, ou la naissance de l’art», l’écrivain Georges Bataille avance une réflexion sur cette absence presque totale : «L’homme de l’Âge du Renne (…) se donnait à ce moment la tête de l’animal. Comme s’il avait honte de son visage.»
Toujours est-il que les représentations masculines sont bien moins nombreuses que celles des femmes «toujours figurées nues alors que le climat de l’époque devait obliger chacun à se vêtir chaudement…».
Portraits et religions
Dans le monde islamique, par crainte de l’idolâtrie, la figuration (la représentation des hommes et des animaux) est depuis longtemps source de débats. Islam sunnite et islam chiite ne tiennent pas une position identique. Selon les époques et les milieux, la représentation (en général ou du Prophète en particulier) n’est pas abordée de la même manière.
Chez les chrétiens, au VIIIe siècle, les empereurs byzantins ont interdit et détruit pendant près d’un siècle mosaïques, images pieuses ou enluminures représentant le Christ ou les saints, pour cause d’idolâtrie également. Quant à la religion juive, le 2e des dix commandements donne clairement le point de vue : «Tu ne feras point d’idole, ni une image quelconque de ce qui est en haut dans le ciel ou en bas sur la terre ou dans les eaux au-dessous de la terre.»
Loin de toutes ces considérations qui ont traversé le temps, la «Dame à la capuche» sommeillait dans sa grotte en attendant d’être réveillée, telle une belle au bois dormant.
À consulter
http://musee-archeologienationale.fr/objet/la-dame-la-capuche
Cet article est paru dans le Télépro du 10/2/2022
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