La condition humaine selon Dostoïevski

Ce 11 novembre commémore les 200 ans de la naissance de Dostoïevski, mort en 1881 à 59 ans, à Saint-Pétersbourg © Along Mekong Production

Salué comme l’un des plus grands auteurs russes, il a influencé nombre de philosophes et a été une source d’inspiration pour beaucoup d’écrivains. Ce mercredi à 22h40, Arte diffuse le documentaire «Fiodor Dostoïevski – Jouer sa vie».

La vie de Fiodor Dostoïevski, né à Moscou en 1821, fut si romanesque que l’on se demande qui de la réalité ou de la fiction l’a le plus influencé. Admiré par ses pairs, il a été qualifié de «frère de sang» par Franz Kafka. Ernest Hemingway et James Joyce le considéraient comme l’une de leurs idoles, tandis que Nietzsche et Freud, l’appréciaient pour sa clarté à tisser les profondes subtilités de la psychologie humaine.

Imprévisible et dangereux

Son parcours fut aussi dostoïevskien que ses récits. Selon lui, la souffrance donnait de la valeur à l’existence : «La douleur est un passage obligé pour les esprits larges et les cœurs profonds».

L’auteur de «Crime et châtiment» (1866) et des «Démons» (1871) savait de quoi il parlait. Sa mère, Maria, décéda de la tuberculose quand il avait 15 ans, puis son père fut retrouvé mort dans un fossé, sans doute tué par ses moujiks (serfs en russe).

Individu au caractère sombre et complexe, souffrant d’épilepsie, il était un joueur invétéré et un grand amoureux des femmes. Marié deux fois, il a eu diverses aventures extraconjugales. Mais Fiodor l’amant n’était pas différent du Dostoïevski trompe-la-mort : pour lui, chaque expérience devait être imprévisible, dangereuse, passionnante. Un «vœu» exaucé par une arrestation et une peine de mort à laquelle il échappa de justesse…

Du peloton au bagne

Ce féru de Shakespeare, Goethe, Hugo ou Schiller, s’est joint à un cercle d’intellectuels radicaux. Plus par curiosité que par idéologie. En 1849, lors du démantèlement du groupe, Dostoïevski est arrêté et mené au peloton d’exécution. In extremis, face aux fusils, l’exécution est annulée et commuée en peine au bagne.

L’écrivain assume ce destin et s’en imprègne. Côtoyer des forçats, condamnés de droit commun, le change pour toujours. Il n’est plus un intellectuel de salon, mais un esprit enrichi. Il note dans ses carnets : «Je n’ai pas perdu mon temps. J’ai appris à bien connaître le peuple russe, comme peu le connaissent».

Cette épreuve influence son roman «L’Idiot» (1869) où il écrit :«La partie la plus terrible de la punition n’est pas la douleur corporelle, mais la certitude que dans une heure, puis dix minutes, puis une demi-minute, ton âme va quitter ton corps et tu ne seras plus un homme».

Leçon pour chacun

Parfois qualifiés de «métaphysiques», ses romans abordent tous la liberté, la nature et la condition humaines. Chaque récit oppose les différents points de vue de personnages qui se construisent grâce à leurs interactions sociales.

Comme le souligne Rosamund Bartlett, spécialiste de littérature russe : «Tous ses livres restent une inspiration profonde, à l’instar du thème sous-jacent de son plus grand chef-d’œuvre, ’Les Frères Karamazov’ (1880) : nous sommes tous responsables de tout, que ce soit sur le plan social, politique, écologique ou simplement dans le contexte de notre vie personnelle. C’est un message que nous ferions tous bien d’écouter !».

Cet article est paru dans le Télépro du 4/11/2021

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