La caverne d’Ali Baba

Voitures, montres, bijoux : chaque année, le SPF Finances met en vente des dizaines de produits de luxe, notamment saisis à des criminels.

«Sésame, ouvre-toi !» Planté devant l’entrée de la caverne, le pauvre Ali Baba vient de prononcer la formule magique. Celle qu’il a entendue par hasard au détour d’une conversation et qui doit lui permettre d’ouvrir le mur de roche qui se dresse devant lui. L’incroyable se produit. Dans un grondement sourd et puissant, les blocs qui barrent l’accès se séparent. Ali s’avance. Ce que ses yeux incrédules découvrent le laissent baba : débordant de dizaines d’immenses jarres, bijoux, pièces d’or et pierres précieuses scintillent dans l’obscurité. Le héros du conte des «Mille et une nuits» vient de découvrir le trésor des quarante voleurs. Toute proportion gardée, c’est un peu ce que le magazine «I comme» vous invite à découvrir samedi sur RTL-TVI.

Fin shop

«Le 3 décembre, le Fin shop organise une vente aux enchères exceptionnelle : 250 lots comprenant des sacs à main, foulards, manteaux et petits électroménagers… Le catalogue des objets comprend de grandes marques telles que Delvaux, Vuitton, Chanel, Moncler et Smeg.» À première vue, cette petite annonce ressemble à beaucoup d’autres. Regardez-la de plus près. Parmi les noms de marques archi connues du grand public se glisse un intrus : Fin shop. C’est un «centre de vente des biens meubles du Service public fédéral Finances».

L’idée de départ est née à l’aube du nouveau millénaire autour d’une question centrale : comment augmenter les rentrées non fiscales du SPF Finances ? Elle se concrétise en 2010 avec l’ouverture du premier Fin shop à Haren, au Nord de Bruxelles. Suivront deux autres infrastructures : l’une pour la Flandre à Bornem, l’autre pour la Wallonie à Gembloux. Le bureau des Services patrimoniaux de Saint-Vith est quant à lui chargé de la vente des biens immeubles (situés en Communauté germanophone ou en Allemagne) et des biens meubles pour ce qui concerne la région de langue allemande. Que vendent donc ces «magasins» ?

Ouvre-toi !

Si leur nom «Fin shop» est moins glamour que l’expression «caverne magique», ce qu’ils recèlent n’en est pas moins étonnant. À Gembloux par exemple, sont mis en vente des biens des provinces du Hainaut, de Namur, de Liège et du Luxembourg. Quels biens ? «Des biens qui proviennent du domaine privé de l’État, des biens qui ne sont plus utilisés par le gouvernement, des biens abandonnés dans les transports en commun ou encore issus de successions et qui n’ont pas été réclamés.» Des biens qui ont aussi parfois appartenu à des criminels ou à leurs victimes non identifiées. En clair : il peut aussi bien s’agir de mobilier de bureau, de matériel informatique ou de GSM que de vêtements, d’électroménager ou de véhicules. Mode d’emploi pour voir les marchandises et éventuellement en acquérir l’une ou l’autre : soit se rendre dans l’une des implantations, soit participer aux ventes publiques organisées pour des biens confisqués, soit aller sur finshop.belgium.be et y faire son shopping connecté.

Quelques perles

Si vous doutiez de la comparaison avec la caverne magique, quelques perles choisies dans les archives des Fin shops devraient vous convaincre. À la fin de l’année 2020, le SPF annonce une vente aux enchères hors du commun. Il s’agit d’un bijou provenant d’une saisie judiciaire. Il est serti d’un diamant de 5,14 carats et composé d’or 18 carats. «Nous n’avons jamais vendu de bien aussi cher sur le site du Fin shop», déclare à l’époque la porte-parole du SPF Finances à l’agence Belga. Valeur estimée : 80.000 € . Un an plus tard, record très largement battu grâce à une vente aux enchères de diamants : 1,2 million d’euros. Côté véhicules, les montants s’affolent aussi pour des motos ou des voitures haut de gamme : les enchères ont dépassé 290.000 € pour une Lamborghini Urus. En moyenne, les ventes rapportent ainsi 2,5 millions d’euros par an.

Cet article est paru dans le Télépro du 11/08/2022.