La Brinvilliers, pieuse empoisonneuse

Portrait réalisé par Charles Le Brun, peintre de Louis XIV, au moment du jugement de la Brinvilliers © Wikimedia

Mercredi à 21h05 sur France 3 dans « Secrets d’Histoire », Stéphane Bern nous entraîne dans le Paris paranoïaque du XVIIe siècle. « L’Affaire des poisons » bat son plein. Les nobles trépassent les uns après les autres. Et tout commence avec une marquise qui perd la tête.

Le 16 juillet 1676, curieux de haute condition et petites gens se pressent dans les rues de Paris pour suivre le parcours qu’emprunte la Brinvilliers, conduite jusqu’à la place de Grève pour y être exécutée. Dans quelques minutes, la marquise de 46 ans sera décapitée, son corps jeté dans un bûcher et ses cendres dispersées au vent. Qu’a pu faire cette femme de noble naissance pour mériter un tel sort ?

Sœur, épouse, maîtresse

Marie-Madeleine Anne Dreux d’Aubray, née le 22 juillet 1630, appartient à la grande aristocratie et reçoit une bonne éducation. Mais son enfance fut, d’après les confessions qu’elle aurait laissées, des plus tourmentées : violée à l’âge de 7 ans par un domestique, elle aurait ensuite entretenu des relations incestueuses avec ses frères dès l’âge de 10 ans… En 1651, richement dotée, elle épouse Antoine Gobelin, marquis de Brinvilliers. Le mari est joueur et dilapide son argent pour entretenir ses maîtresses. Marie-Madeleine, elle, tombe sous le charme de Jean-Baptiste Godin, seigneur de Sainte-Croix.

Amants mortels

Le couple s’affiche sans honte, ce qui a le don de contrarier le père de la jeune femme, qui parvient à faire enfermer le gendre illégitime. Bien mal lui en prend : en prison, Godin de Sainte-Croix partage la cellule de l’Italien Eggidi, un alchimiste qui l’initie à l’art des poisons. À sa sortie, deux mois plus tard, l’officier de cavalerie s’empresse de partager ses nouvelles connaissances avec sa maîtresse. Plan vengeur d’un fripon rancunier ou projet machiavélique d’une femme avide ? Le doute subsiste. Ce qui est certain, c’est que le 10 septembre 1666, le père de Marie-Madeleine succombe à la « poudre de succession » (un mélange d’arsenic et de bave de crapaud), après avoir reçu à une trentaine de reprises les « soins » de sa chère fille. Ses deux frères subissent le même sort. Selon la légende, elle aurait testé ses premiers mélanges sur les malades d’un hôpital, se félicitant de voir les médecins conclure à une mort naturelle… Elle aurait aussi tenté d’empoisonner son mari mais, comble de l’ironie, l’amant paniqué lui aurait administré un antidote, craignant de finir par être mêlé aux crimes de sa maîtresse.

En cavale

En 1672, la mort de Godin de Sainte-Croix met la Brinvilliers dans l’embarras. On retrouve en effet chez celui qui faisait chanter sa dulcinée une intrigante et accablante boîte contenant des reconnaissances de dettes mais, surtout, de mystérieuses fioles dont les effets sont décrits par la marquise. Celle-ci s’enfuit alors vers l’Angleterre puis la Belgique, notamment dans un couvent de Liège où elle est dupée par un policier déguisé en prêtre et arrêtée en 1676. Après avoir échoué à se suicider, elle subit sans mot dire les tortures qu’on lui inflige pour lui faire avouer ses crimes, son stoïcisme forçant et émouvant les témoins. « Le lendemain, on cherchait ses os, parce que le peuple disait qu’elle était sainte », écrivit même l’épistolière Madame de Sévigné quelques jours après l’exécution.

Sainte Vénéneuse

Avant de mourir, la marquise aurait affirmé qu’« il y avait beaucoup de personnes engagées dans ce misérable commerce de poison, et des personnes de condition », sans toutefois citer de nom. La curiosité de la justice est piquée au vif. Alors que Paris frémit au rythme des morts suspectes de princesses, ministres et autres parlementaires, les enquêteurs mettent au jour un réseau d’empoisonneurs, dont certains dangereusement proches du roi Louis XIV. « L’affaire des poisons », l’un des plus grands dossiers criminels de l’histoire française, ne fait que commencer…

Cet article est paru dans le Télépro du 3/4/2025

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