Khéops : une pyramide à la pointe

On sait enfin comment les énormes blocs ont été acheminés jusqu’au site © RTBF

De récentes découvertes révèlent plusieurs secrets de fabrication de la pyramide de Khéops.

Au Ve siècle, en visite en Égypte, l’historien grec Hérodote fantasmait sur la façon dont les pyramides avaient pu être construites. Face à la grande pyramide, sur le plateau de Gizeh, il est resté bouche bée. S’il évoque bien sûr la démesure du monument funéraire, il dépeint le pharaon Khéops comme un despote mégalo qui aurait épuisé son peuple en le mobilisant de force… Vieille de plus de 4.500 ans, la structure s’élève à 146 mètres de hauteur et a nécessité 2,5 millions de blocs de pierres.

Depuis l’expédition de Napoléon Bonaparte, à la fin du XVIIIe siècle, des générations d’archéologues étudient le site de Gizeh. Fin des années 1980, ils font une découverte majeure en mettant au jour le village et le cimetière des ouvriers de la pyramide voisine de Khéops, celle de son fils Kephren. Et clouent le bec à Hérodote : ces ouvriers étaient bien traités, nourris et logés, et visiblement fiers de pouvoir être enterrés à côté de leur roi.

Le plus vieux port du monde

Aujourd’hui, les chercheurs peuvent détailler d’où provenaient les matériaux et expérimenter leur acheminement, comme en témoigne le documentaire de Florence Tran, samedi soir sur La Trois. Pour étayer une théorie réaliste sur la construction de la grande pyramide, l’égyptologue français Pierre Tallet (54 ans) et son équipe délaissent Gizeh en 2001 et orientent leurs fouilles sur la côte de la mer Rouge, à 200 km de là. Petit à petit, le site d’Ouadi el-Jarf leur apparaît. Il s’agit du plus ancien port du monde dévoilé à ce jour. «Nous avons découvert des galeries creusées dans la montagne. Elles ont abrité des bateaux démontés et stockés entre deux expéditions.» En plus des galeries, d’un bâtiment dortoir et d’une forteresse, ils détectent une jetée et mettent la main sur une centaine d’ancres. «Il est certain qu’ils se rendaient dans la péninsule hostile du Sinaï où se trouvaient les plus gros gisements de cuivre qui leur ont permis de fabriquer leurs outils.»

Le journal de bord de Merer

En 2011, Pierre Tallet a un «coup de chance», celui dont rêve en secret chaque égyptologue. «C’était extraordinaire. Sur le site, nous sommes tombés sur un lot d’archives sur papyrus datant du règne de Khéops.» Parmi ces documents se trouve le journal de bord du contremaître Merer. Il a participé à la construction de la grande pyramide avec une équipe de quarante bateliers. Il y relate la présence de bassins artificiels aux pieds des pyramides qui facilitaient l’acheminent des bateaux d’approvisionnement lorsque le Nil était à son plus haut niveau de crue annuelle et situe le palais de Khéops voisin du chantier, là où se trouve l’actuelle ville du Caire. En prime, Merer décrit avec minutie une organisation bien huilée. Grâce aux fouilles de Pierre Tallet et de Yannis Gourdon sur le site d’Hatnoub, à 300 km au sud de Gizeh, une partie de l’histoire est reconstituée. Le bois précieux indispensable à la navigation était amené du Liban, le granit taillé à Assouan et acheminé le long du Nil jusqu’au chantier, tout comme les pierres de Tourah. D’ingénieux systèmes de halage faits de rampes, de trous servant à caler d’immenses poteaux ont été révélés dans des carrières. Pour faire glisser les blocs, les ouvriers lubrifiaient les rampes de limon du Nil. Pour dégrossir le granit, ils le mouillaient, l’attendrissant avant d’utiliser des boules de dolérite et les outils en cuivre. Et pour obtenir des angles droits et arêtes si parfaites, les tailleurs de pierres ont eu recours à une pâte abrasive composée de limon et de poudre d’émeri, une roche plus dure que le granit et capable de le scier. Cette technique a exigé énormément de patience parce que le cuivre est un métal mou et s’use vite.

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 5/3/2020

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