Mardi à 20h50 sur Arte, le réalisateur Cédric Tourbe lève le voile sur un crime de masse longtemps nié par le régime soviétique, dans un documentaire intitulé «Les Bourreaux de Staline».
En 1940, sur ordre de Staline, le NKVD, la police politique soviétique, fait exécuter plus de 22.000 prisonniers de guerre polonais, dont 4.500 dans la forêt de Katyñ. Cette tuerie de masse sera, un demi-siècle durant, niée par ses auteurs.
Forêt silencieuse
Septembre 1939. Les Allemands envahissent la Pologne, rapidement suivis par l’Armée rouge. Les deux nations sont liées par le pacte germano-soviétique, signé le mois précédent. Au cours de l’invasion, les Soviétiques capturent 250.000 soldats. Une partie est libérée et l’autre donnée aux Allemands, en vertu du pacte. Le dernier tiers, le gratin, l’Armée rouge se le réserve. «Ils gardent les officiers, pas seulement ceux de carrière, mais tous les réservistes, étudiants, médecins, ingénieurs, chefs d’entreprise, qui représentent l’élite de la Pologne», détaille le journaliste Michel Colomès dans les pages du Point. «Afin de supprimer une menace potentielle pour le nouveau régime qu’il veut imposer à Varsovie, Staline décide de procéder à une véritable épuration de classe.»
En mars 1940, le dictateur soviétique signe l’ordre d’exécution. Entre avril et mai, dans la forêt de Katyñ, mais aussi à Kharkov et Kalinine («le massacre de Katyñ» est le nom générique pour désigner ces trois lieux d’exécution et les trois charniers), de façon méthodique, face à la fosse commune qui les attend, les mains attachées dans le dos, près de 22.000 Polonais sont assassinés d’une balle dans la nuque.
Omerta générale
Mai 1943. Depuis la tentative allemande d’envahir l’URSS, Staline a rejoint le camp des Alliés. Alors que des nazis conduisent un groupe de prisonniers dans la forêt de Katyñ, ils découvrent les milliers de corps polonais entassés dans le charnier. Les autorités soviétiques nient ce crime abject et pointent le IIIe Reich du doigt. Si les indices prouvant la culpabilité des Russes sont nombreux, les Américains et les Anglais préfèrent fermer les yeux. Le déni soviétique va durer jusqu’en 1990, année de l’aveu de l’URSS qui reconnaît la responsabilité du NKVD dans cette tuerie.
Deux ans après, Boris Eltsine, alors président russe, transmet plusieurs documents, dont l’ordre d’exécution, entre les mains de Lech Walesa, son homologue polonais. Parmi ces archives, une note bien cynique. «Elle indique que les exécutions doivent être accomplies avec des revolvers Walther, de marque allemande, et des munitions allemandes», poursuit Michel Colomès. «Dès 1940, alors qu’il était encore son allié, Staline avait donc monté une opération destinée à faire croire à la responsabilité de son compère Hitler dans les atrocités de Katyñ.»