Kafka, un destin kafkaïen

Franz Kafka © Getty Images

Il y a cent ans mourait Franz Kafka. L’écrivain aurait-il été mal compris ? L’hypothèse n’est pas absurde. Ce lundi à 22h50, Arte diffuse «Kafka, cet inconnu illustre».

Le 3 juin 1924, dans un sanatorium autrichien, meurt un dénommé Franz Kafka. L’homme a 40 ans, il est employé d’assurance, il ne laisse aucune descendance. On se dit alors que le défunt tombera rapidement dans l’oubli… Et pourtant, Kafka est désormais considéré comme l’un des auteurs majeurs du XXe siècle. Son nom a même donné naissance à un adjectif : kafkaïen – qui rappelle l’atmosphère absurde et oppressante de ses romans, où l’individu est broyé par la bureaucratie et les rouages implacables d’une société impersonnelle.

Ce lundi, cent ans jour pour jour après le décès de l’écrivain, Arte évoque sa personnalité dans le documentaire «Kafka, cet inconnu illustre».

Trois fois fiancé

L’histoire commence à Prague, le 3 juillet 1883. L’actuelle capitale tchèque fait alors partie de l’Empire austro-hongrois. Au cœur de la Vieille Ville, Julie Kafka donne naissance à son troisième fils. Les deux premiers sont morts en bas âge et elle n’en a pas encore fait le deuil. La famille est juive et germanophone. Le père, Herman, tient une belle mercerie et n’a qu’une idée en tête : que son fils lui succède. Franz n’en a aucune envie.

Passionné de littérature depuis son plus jeune âge, il consent à faire des études de droit. C’est à l’université, en 1901, qu’il rencontre l’ami de sa vie : Max Brod. À 24 ans, Kafka est engagé par une compagnie d’assurance. Ce travail ne le passionne pas, mais lui assure un revenu et lui laisse du temps pour se consacrer à l’écriture. À peine rentré du boulot, Kafka s’enferme dans son bureau et écrit jusque tard dans la nuit. C’est sa priorité. Trois fois fiancé, il ne se mariera jamais, craignant qu’une épouse et des enfants nuisent à son activité d’écrivain.

Tout brûler

En 1917, Kafka a 34 ans quand on lui diagnostique une tuberculose. Il multiplie les séjours en sanatorium et finit par être mis prématurément à la retraite. Il en profite alors pour fuir Prague et son père, qui espère toujours le voir reprendre son commerce de dentelles et rubans. Il s’installe quelque temps à Berlin, mais sa santé se dégrade au fil des ans. Se sachant condamné, Kafka écrit à son ami Max : «Voici ma dernière volonté. Tout ce que je laisse derrière moi (carnets, manuscrits, lettres) doit être brûlé sans être lu.»

Kafka ne croyait pas en son talent, mais Max Brod était persuadé du contraire. C’est déjà lui qui avait convaincu Franz de publier quelques textes de son vivant. Max décide donc de ne pas respecter la dernière volonté de son ami : il va faire connaître au monde l’oeuvre de Kafka. C’est ainsi que quelques mois après le décès de l’écrivain, en 1925, est publié «Le Procès», suivi en 1926 d’un autre roman : «Le Château».

Burlesque

Max Brod consacrera le reste de sa vie à tenter de récupérer les manuscrits de son ami. Ceux restés à Berlin seront saisis par les nazis en 1933 et jamais retrouvés.

Brod en sauvera d’autres lorsqu’il sera contraint de fuir Prague en 1939. Après la Seconde Guerre mondiale et la création du bloc soviétique, les écrits de Kafka seront considérés comme prémonitoires. Et interdits à l’Est jusqu’à la chute du mur de Berlin. Aujourd’hui, certains spécialistes considèrent que cette interprétation est erronée. Kafka aurait été bien moins torturé qu’on le dit. Si ses écrits tournent autour de l’absurde, ce serait aussi pour la part de burlesque et de tragicomique qui en jaillit.

Cet article est paru dans le Télépro du 30/5/2024

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