Jean Vilar, visionnaire du 6e art

Jean Vilar avait à cœur de rendre le spectacle intelligent accessible à toutes et tous © France Télévisions/Agnès Varda/Succession Varda

Il s’est battu pour démocratiser le théâtre et aller à la rencontre de son acteur le plus important : le public. Ce dimanche à 21h05, France 4 dresse son portrait avec le documentaire «Jean Vilar, le rêve du théâtre pour tous».

Tombé très tôt amoureux de l’univers scénique, le français Jean Vilar, originaire de Sète comme Georges Brassens, eut à cœur de proposer un théâtre vivace et accessible à tous. Via de nombreuses institutions artistiques portant encore son nom aujourd’hui – dont le Théâtre Atelier d’Ottignies-Louvain-la-Neuve – et le Festival d’Avignon dont il fut l’initiateur, l’homme a laissé une empreinte indélébile.

Audacieux et actuel

Né en 1912 dans une famille de commerçants, le jeune Jean est d’abord violoniste puis tente sa chance à Paris, happé par des études littéraires et l’adrénaline du métier de comédien. C’est une pièce de Shakespeare, «Richard III», qui le conforte dans sa vocation.

Se nourrissant aussi de Molière, T.S. Eliot, Strindberg et Anouilh, le passionné goûte au cinéma. Avec sa silhouette dégingandée et sa voix portée haut, il interprète – ça ne s’invente pas ! – le rôle du Destin dans «Les Portes de la nuit» de Marcel Carné.

Mais Vilar va avant tout révolutionner le devenir du théâtre. Opposé au «grand spectacle racoleur monté dans l’espoir du profit», il crée le Théâtre National Populaire en 1951. Il le veut «éthique, esthétique, éducatif, audacieux, actuel». Pour lui, «le théâtre doit être un service public et tout aussi accessible qu’un paquet de cigarettes, le gaz, l’électricité ou l’école» ! Une fois sur orbite, le TNP se taillera une solide réputation jusqu’à l’international.

Visionnaire instinctif

Le week-end, l’acteur devenu régisseur – il préfère ce mot plus artisanal à celui de «metteur en scène» – emmène sa compagnie en banlieue, jouant sous des chapiteaux dans des quartiers populaires. Vilar souhaite mettre en valeur ses acteurs, dont le charismatique Gérard Philipe, dans des décors sobres.

À partir de 1947, l’homme prend aussi en charge le désormais mythique Festival d’Avignon et apporte, là encore, sa patte instinctive au spectacle en plein air. Visionnaire et ouvert à toutes les formes du 6e art, il invite de jeunes metteurs en scène, intègre la danse en 1966 avec le Ballet Béjart, et le cinéma en 1967 avec la projection du nouveau Godard, «La Chinoise».

Toujours d’actualité

Mais les audacieux attirant toujours les foudres de jaloux ou de conservateurs, Jean Vilar fait face au choc de Mai 68. Engagé, il a abordé plusieurs pièces évoquant le fascisme. Pour le dénoncer, non pour l’encenser. Les contestataires font l’amalgame et lancent le slogan lapidaire «Vilar égale Salazar», en référence au dictateur portugais de l’époque. Puis, on lui reproche d’avoir travaillé avec André Malraux, Ministre de la culture du gouvernement gaulliste.

C’en est trop. Le comédien et metteur en scène meurtri se retire de la vie publique. Il décède trois ans plus tard d’une crise cardiaque. Aujourd’hui, loin de ce chaos, seules restent ses innovations. Ainsi que l’une de ses citations, toujours d’actualité : «L’art du théâtre ne prend toute sa signification que lorsqu’il parvient à assembler et à unir».

Cet article est paru dans le Télépro du 29/7/2021

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