Jean Monnet, l’unificateur

Pour Kennedy, Jean Monnet était «l'homme d'État du monde» © Getty
Stéphanie Breuer Journaliste

Négociant en cognac, cet autodidacte a participé de près aux grands événements du XXe siècle, jusqu’à la création de l’Europe.

Toute sa vie, Jean Monnet (dont France 3 dresse le portrait lundi à 23h05 dans «Jean Monnet, le père discret de l’Europe») a défendu l’idée que «la paix et la prospérité ne peuvent être assurées que par l’union des hommes». Il a participé activement aux grands événements du XXe siècle, avant de porter l’Europe sur les fonts baptismaux.

Pourtant, rien ne prédestinait ce jeune négociant en cognac, sans diplôme, à faire partie du petit cercle des «Pères fondateurs de l’Union européenne», aux côtés de Robert Schuman, Konrad Adenauer et Paul-Henri Spaak.

Jean Monnet naît le 9 novembre 1888 à Cognac, dans une famille de négociants de… cognac ! À 16 ans, il quitte les bancs de l’école avant d’avoir obtenu son baccalauréat. Son père l’envoie alors prospecter des clients à l’étranger. «N’emporte pas de livres», lui conseille-t-il. «Personne ne peut réfléchir pour toi. Regarde par la fenêtre, parle aux gens.»

Après deux ans à Londres, le Charentais embarque pour le Canada et les États-Unis. De cette expérience, il acquiert une maîtrise parfaite de l’anglais et une connaissance de la culture anglo-saxonne. Deux atouts clés pour la suite de sa carrière.

Globe-trotter

Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, le jeune commercial est réformé pour raison de santé. Malgré tout, il est bien décidé à servir son pays et propose au gouvernement de coordonner les ressources de guerre franco-britanniques. «Jean Monnet ne cessera plus dès lors de s’occuper des affaires du monde», écrit André Larané dans «Un négociant dévoué à la construction européenne» (herodote.net).

En 1919, il est nommé au poste de Secrétaire général adjoint de la Société des Nations, ancêtre de l’ONU, qu’il quitte quatre ans plus tard. Sa nouvelle activité de banquier l’envoie tour à tour aux États-Unis, dans les pays de l’Est et en Chine.

En 1940, Jean Monnet offre à nouveau ses services. Il préside alors un comité franco-britannique destiné à coordonner les capacités de production des deux pays. Il va même jusqu’à convaincre Churchill et de Gaulle d’un projet inédit : une fusion politique afin de lutter contre Hitler ! Avec la prise de pouvoir du maréchal Pétain, cette folle proposition est abandonnée. Monnet part pour Washington où il persuade le président Roosevelt de relancer l’industrie de guerre américaine.

L’Europe des six

À la Libération, Monnet est nommé commissaire au Plan, en vue de la reconstruction du pays. Il se met alors à rêver de construction européenne. «Je ne voyais qu’un remède, nous lier sans retour avec l’Allemagne dans une entreprise solidaire à laquelle nos autres voisins se joindraient», raconte-t-il dans ses «Mémoires». «Ainsi serait né un grand espace européen de prospérité et de paix.»

En 1950, son idée – la mise en commun des ressources en charbon et en acier de la France et de l’Allemagne – est proposée par Robert Schuman, ministre français des Affaires étrangères. L’année suivante, l’Allemagne, la France, l’Italie et les trois pays du Benelux signent le traité CECA instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier, dont le premier président est Monnet lui-même.

Ce visionnaire a réussi : l’Europe des Six est née. Dans les années 1970, après avoir œuvré dans l’ombre du pouvoir toute sa vie, Jean Monnet se retire des affaires du monde et rédige ses «Mémoires», dans sa maison des Yvelines, aujourd’hui transformée en musée.

En 1979, «l’homme d’État du monde», selon les mots de JFK, s’éteint à 90 ans. Ses cendres reposent désormais parmi les grands hommes, au Panthéon.

Cet article est paru dans le Télépro du 29/4/2021

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