Indigo, bleu de toi
Bleu ciel, marine, pétrole, turquoise… Les nuances de bleu sont infinies. Mais il en est une qui nécessite presque d’être chimiste pour comprendre comment elle passe de la plante au vêtement : l’indigo !
Samedi 29 février à 15h45, Arte tente de percer les secrets de la septième couleur de l’arc-en-ciel. Depuis l’Antiquité, les hommes ont trouvé le moyen de se parer de bleu. Et cela grâce aux végétaux contenant de l’indican, une molécule naturellement présente dans les plantes de la famille des Indigofera qui s’oxyde au contact de l’air pour adopter une teinte bleu foncé : l’indigo.
Bleu indien
Ce pigment d’un bleu sombre et violacé est extrait des feuilles et des tiges de l’indigotier, un arbuste répandu et cultivé depuis des millénaires dans les régions tropicales et tempérées d’Asie, d’Amérique et d’Afrique. Il existe cependant une centaine d’autres plantes à indigo moins connues. Le processus d’extraction est presque de l’ordre de la magie, puisqu’il faut attendre la fin du processus de macération et de déconstruction moléculaire pour que, grâce à l’oxydation, le pigment prenne sa belle couleur bleue. «Indigo» viendrait du latin «indicum», signifiant «de l’Inde», d’où il fut exporté vers l’Europe dès l’Antiquité.
Bleu européen
Au Moyen Âge, chez nous, l’indigo venu de ces terres exotiques est peu utilisé en raison du prix exorbitant du transport. Mais pas de raison d’avoir le blues, les Européens ne renoncent pas à se vêtir de bleu puisqu’à leur portée se trouve la guède (dans le nord de la France) ou le pastel (dans le Sud). En écrasant ses feuilles, on produisait une pulpe verte dont on confectionnait des pelotes rondes appelées cocagnes (celles-ci feront la richesse de la région de l’Occitanie, d’où l’expression «pays de cocagne»). Une fois séchée, cette pâte de pastel est réduite en poudre et humidifiée pour provoquer la fermentation. Mais au XV e siècle, Vasco de Gama va bouleverser les règles du bleu ! Grâce à la découverte de la route des Indes, l’importation et l’utilisation de l’indigo en Europe a détrôné son homologue européen.
Bleu industriel
Évidemment, un jour ou l’autre, quelqu’un allait bien chercher à produire une couleur de synthèse afin de rendre le processus moins cher. C’est à Adolf von Baeyer et Viggo Drewsen, vers 1880, que l’on doit la première méthode de synthèse de l’indigotine à partir du 2-nitrobenzaldéhyde et de l’acétone. Cette production industrielle à grande échelle contribua au déclin progressif de la production naturelle.
Blue jeans
Peut-être sans le savoir, nous avons tous régulièrement de l’indigo sur nous ! Parce qu’on a beau en trouver à tous les prix et de toutes les formes, les jeans ont tous un point commun : leur tissu, teinté à l’indigo. Tous les ans, au moins 50.000 tonnes d’indigo sont produites à travers le monde et plus de 90 % servent à donner leur teinte à nos denims.
Sang bleu
L’indigo ne s’est pas fait que des amis au cours de l’Histoire ! Ainsi, en 1587, Elizabeth I re , reine d’Angleterre, fit interdire sa préparation à moins de cinq miles de Londres, soit un peu plus de huit kilomètres. Pas qu’elle ne jurait que par le bleu roi mais parce qu’à l’époque, au cours de la préparation de l’indigo, il était nécessaire d’utiliser des agents naturels comme la chaux ou l’urine. Ce procédé dégageait évidemment une odeur fort désagréable…
Cet article est paru dans le magazine Télépro du 27/02/2020
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