Il y a 150 ans, la défaite en chantant

«Le Siège de Paris» par les troupes prussiennes, vu par le peintre Ernest Meisonnier (1884), dura du 18 septembre 1870 au 28 janvier 1871 © isopix

La guerre franco-prussienne de 1870, débâcle pour la France et terreau du conflit mondial de 14-18, laissa tout de même dans l’Hexagone le souvenir de quelques succès… musicaux. Arte revient ce mardi à 20h50 sur cette déroute, il y a juste 150 ans.

Juillet 1870. Les régiments français du nord prennent la direction du front. Au pas, sous les «hourras» de la foule, ceux qui s’apprêtent à en découdre avec les troupes prussiennes ont l’arme en bandoulière et une chanson aux lèvres : «Dors min, min ptit Quinquin, min ptit pouchin (ndlr : poussin), min gros rogin (raisin) ! Te m’fras du chagrin si te n’dors point chqu’à d’main». Cette comptine traduit bien l’esprit du moment chez ces militaires sanglés dans leurs beaux uniformes bleus, insouciants et trop sûrs d’eux : «Même pas peur des Prussiens !» Et pourtant…

La dépêche d’Ems

Cela fait longtemps qu’ils ruminent leur vengeance ces voisins germains. Depuis 1806 et la défaite d’Iéna face aux troupes de Napoléon Ier. En cet été 1870, le chancelier Otto von Bismarck sent que l’heure de la revanche est venue. Depuis plusieurs années, le Premier ministre du royaume de Prusse place ses pions. Et voilà que l’occasion se présente sous la forme d’une succession au trône… d’Espagne ! La reine Isabelle II vient d’abdiquer et le prince Léopold de Hohenzollern, cousin du roi de Prusse Guillaume Ier, se verrait bien lui succéder. Une candidature qui ne serait pas sans conséquence. La Prusse et ses alliés à l’Est, l’Espagne au Sud : la France serait pratiquement encerclée. Celle-ci réagit. L’empereur Napoléon III exige le retrait de la candidature du Prince. C’est l’occasion que Bismarck attendait… Alors que son souverain est prêt à accéder à la demande française, le chancelier fait «fuiter» une nouvelle, la dépêche d’Ems, du nom du lieu depuis lequel Guillaume Ier a annoncé que tout s’arrangeait. Bismarck diffuse l’info en des termes si habilement choisis que tant les Français que les Prussiens se sentent humiliés. Berlin mobilise et le 19 juillet, Paris lui déclare la guerre. Sur la route, on devine encore au loin la troupe chanter «Dors min p’tit Quinquin». Mais le réveil va s’avérer brutal.

Un soir, débâcle de Reichshoffen

«C’était un soir, bataille de Reichshoffen, il fallait voir les cuirassiers charger…». Le refrain est connu autour des feux de camp, mais les scouts qui le chantent à tue-tête ignorent toujours qu’ils évoquent là un des événements marquant de la guerre franco-prussienne. Un assaut qu’ils pensent triomphal. Grave erreur. Pour la France, Reichshoffen signifie débâcle. Ce 6 août 1870, ils ont pourtant encore fière allure ces cavaliers de la garde impériale juchés sur leurs montures. Avec leurs casques argentés parés d’un long crin de cheval, leurs armures brillantes sur le torse, pantalons rouges, bottes luisantes, sabre au côté : on pourrait les croire taillés pour la victoire. On se trompe. La veille déjà, à Wissembourg, le maréchal Patrice de Mac Mahon a envoyé ses troupes au casse-pipe et aujourd’hui, il remet ça dans deux autres villages alsaciens, à Frœschwiller et Wœrth. Pour briser des encerclements successifs, ses cuirassiers chargent, encore et encore. Un carnage. Plus nombreux et mieux armés, les Prussiens les massacrent. Dans son QG de Reichshoffen, Mac Mahon connaît les conséquences terribles de cette défaite… Paris est en vue.

Extrait d’article paru dans le Télépro du 13 août 2020.

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