Hydrocarbures : la menace fantôme

Image extraite du documentaire diffusé ce dimanche sur France 5 © France 5/Dream Way Productions

Des millions de puits de pétrole ou de gaz sont abandonnés. Une menace pour l’environnement et la santé. Ce dimanche à 20h55, France 5 diffuse «Le Monde en face – Les Fantômes du pétrole».

«Adopter un puits de pétrole abandonné pour le fermer à jamais.» Avec ses airs de «petite annonce», ce titre surprenant apparaît sur le très sérieux site Internet de Radio-Canada. Adopter un puits de pétrole ? Quelle idée ! L’information n’a pourtant rien de farfelu. La réalité qu’elle dévoile est des plus dramatiques. Sous la photo illustrant l’article, la légende est très claire : «Un puits de pétrole, parmi les milliers abandonnés au Montana qui continuent d’émettre du méthane, un gaz à effet de serre 80 fois plus puissant que le dioxyde de carbone.» Rien qu’aux États-Unis, on dénombrerait 3 millions de puits abandonnés. Sur l’ensemble de la planète, ils seraient entre 20 et 30 millions. Une bombe écologique à retardement, «une menace pour notre planète et notre santé», déclare Audrey Gloaguen, la réalisatrice du film diffusé dimanche soir sur France 5.

Orphelins

Quelle est donc l’histoire de ces vieux puits de pétrole ou de gaz délaissés par l’industrie pétrolière ? Des États-Unis au Qatar, de la Russie au Venezuela, de l’Indonésie à la Norvège : depuis le début de la ruée vers l’or noir, il y a près de deux siècles, des millions de puits d’hydrocarbures ont été creusés. Beaucoup d’entre eux, après avoir été exploités, ont été abandonnés. «Et maintenant, ils polluent en silence», complète Science & Vie. En théorie, les entreprises pétrolières et gazières doivent payer le coût du nettoyage des puits, suivant le principe du pollueur payeur. Mais quand l’exploitant est inconnu ou qu’il n’est pas financièrement viable, impossible de le contraindre à nettoyer ou à fermer le puits. Celui-ci est alors qualifié d’orphelin. C’est alors l’État qui doit prendre le relais. «Comme leur nombre augmente», peut-on lire dans un rapport du Bureau du directeur parlementaire du budget canadien, «le coût prévu du nettoyage des passifs environnementaux croît aussi». Pour le Canada par exemple, il était de 360 millions de dollars canadiens (250 millions d’euros) en 2020, il devrait dépasser le milliard de dollars (700 millions d’euros) en 2025.

Pollueurs cachés

Pas évident toutefois de situer l’emplacement précis des sites. D’une part, le recensement systématique des puits ne commence véritablement qu’après la Première Guerre mondiale. D’autre part, ceux qui datent d’avant cette période sont aujourd’hui souvent invisibles en surface : «Les sites ont été convertis en champs, en forêts, en routes, en parkings ou en bâtiments», explique Science & Vie. Par contre, ce qui est certain, c’est la pollution de l’air et du sol dont ils sont responsables. Les anciens forages non rebouchés laissent échapper au fond des mers, sous terre ou dans l’atmosphère, des matières dangereuses pour l’environnement et pour notre santé : du pétrole, mais aussi du gaz méthane à très fort effet de serre ou des substances souterraines chargées de substances toxiques.

Parents adoptifs

«Stopper les émissions d’un puits équivaut à retirer de la circulation mille automobiles par année», affirme l’Américain Curtis Shuck, le PDG de l’asbl Well Done Foundation qu’il a fondée en 2019. L’objectif de cet ancien professionnel du secteur pétrolier : colmater les puits de pétrole abandonnés aux États-Unis. Pour financer le projet, il fait appel à de (nombreux) généreux donateurs et sponsors, «des parents adoptifs» pour les puits orphelins. La technique est simple : enfoncer des tuyaux dans les puits abandonnés et les colmater avec du ciment. Le coût : entre 10.000 et 30 000 dollars. Il a commencé dans le Montana après avoir constaté l’impact d’un de ces puits sur l’environnement et la population. Aujourd’hui, la WDF annonce avoir colmaté vingt-cinq puits, empêchant ainsi une pollution équivalente à celle provoquée par 204.696 véhicules de tourisme conduits pendant un an. «Notre objectif est de fournir un modèle pour lutter contre le changement climatique de manière immédiate et tangible», déclare Curtis Shuck. «Un puits à la fois.» 

Cet article est paru dans le Télépro du 26/1/2023

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici