Humboldt, savant visionnaire

Alexander von Humboldt © Isopix
Stéphanie Breuer Journaliste

Pionnier des explorations scientifiques, ce naturaliste allemand parcourt en long et en large l’Amérique du Sud, qui devient son laboratoire à ciel ouvert favori.

Son nom ne nous dit pas grand-chose. Pourtant, ses contemporains le qualifient de «Shakespeare de la science» et «d’homme le plus connu de son époque après Napoléon Bonaparte». Bien loin de son Allemagne natale, Alexander von Humboldt a donné son nom à des villes du Canada et des États-Unis, une rivière et une montagne américaine, un pic en Nouvelle-Calédonie, un courant marin, mais aussi un grand cratère sur la Lune et même un manchot.

Issu d’une famille aristocratique, Alexander von Humboldt naît en Prusse en 1769. Il reçoit une instruction pointue, mais vit une enfance malheureuse, durant laquelle il collectionne des objets récoltés dans la nature. À la lecture des récits de James Cook et de Bougainville, il rêve de grands voyages. La mort précoce de ses parents lui apporte la fortune nécessaire pour explorer le monde. En 1799, le Prussien quitte l’Espagne avec son fidèle ami, le naturaliste français Aimé Bonpland.

Cap sur l’Orénoque

Les deux explorateurs mettent le cap sur le delta de l’Orénoque et, durant quatre ans, parcourent 15.000 km à travers une grande partie de l’Amérique du Sud et des Caraïbes. Doté d’une résistance physique à toute épreuve, Humboldt échappe à tous les dangers : naufrages, prédateurs, maladies… «Après leur passage, le lien entre l’Orénoque et l’Amazone n’est plus un mystère, l’anatomie des crocodiles, jaguars ou lamantins est dévoilée, les volcans des Andes sont disséqués dans les atlas», écrit Isabelle Grégor sur herodote.net. «Et au besoin, les explorateurs n’hésitent pas à servir de cobayes pour faire avancer la science : c’est ainsi qu’ils découvrent avec douleur les effets du curare ou les chocs électriques provoqués par certaines anguilles.»

Inquiet pour le climat

Curieux de tout, Humboldt remet aussi en cause les théories admises sur la nature et s’aperçoit que l’être humain n’y joue qu’un rôle secondaire. Il voit la Terre comme un organisme vivant où tout est interconnecté. Ses idées influenceront plus tard un certain… Charles Darwin ! Ardent défenseur de l’abolition de l’esclavage, ce savant visionnaire est aussi le premier à réaliser l’importance des forêts pour le climat et à évoquer le changement climatique engendré par l’homme lorsque celles-ci sont brûlées volontairement. Après avoir longtemps vécu à Paris, Alexander von Humboldt passe les dernières années de sa vie à Berlin, sa ville natale. Il y rédige «Cosmos», le livre qui le rendra célèbre aux quatre coins de la planète. À sa mort, en 1859, le scientifique est l’un des hommes les plus connus au monde. Dix ans plus tard, le centenaire de sa naissance est célébré dans toutes les grandes villes du monde, de New York à Sydney. Pourtant, au fil des décennies, ce grand naturaliste tombe peu à peu dans l’oubli, hormis en Allemagne et en Amérique du Sud où son souvenir reste vivace.

Un courant marin à son nom

Unique en son genre, le courant marin de Humboldt (auquel Arte consacre une série documentaire dès ce lundi à 18h55) permet à tout un écosystème de s’épanouir. Découvert en 1800 par l’explorateur, qui a mesuré la température de l’océan au large du Pérou, il prend naissance près de l’Antarctique avant de remonter le long des côtes chiliennes et péruviennes. Les eaux froides que son action fait remonter des profondeurs du Pacifique assurent la survie de nombreuses espèces animales et l’humidité qu’il dispense le long de la côte permet de préserver la forêt tropicale.

Cet article est paru dans le Télépro du 25/8/2022

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