Huguenots : fuir ou souffrir

Image extraite du documentaire diffusé ce samedi sur Arte © Arte/Gebrüder Beetz Filmproduktion
Stéphanie Breuer Journaliste

Au XVIIe siècle, la révocation de l’édit de Nantes pousse des milliers de protestants français à choisir l’exil pour éviter les persécutions. Ce samedi à 20h50, Arte revient sur «La Fuite des huguenots».

Parmi les grandes figures allemandes, l’explorateur Alexander von Humboldt, le fondateur de Mercedes Carl Benz et l’ancien ministre Thomas de Maizière partagent un point commun : celui de descendre de huguenots réfugiés en Allemagne. Samedi, Arte raconte l’exode massif de ces calvinistes ayant fui la France catholique.

Au XVIe siècle, la France est déchirée par des guerres de religion opposant catholiques et protestants. En 1598, Henri IV, converti au catholicisme pour monter sur le trône – «Paris vaut bien une messe», aurait-il déclaré -, ramène la paix dans le royaume avec l’édit de Nantes, accordant la liberté de culte. Mais, sous la monarchie absolue de Louis XIV, le protestantisme est vu comme une menace et ne cadre pas avec l’adage «une foi, une loi, un roi». Le Roi-Soleil craint les idées républicaines que les protestants pourraient colporter et révoque l’édit de Nantes en 1685.

Conversion forcée

Par l’édit de Fontainebleau, il interdit la pratique du culte réformé. L’objectif ? Pousser les 900.000 huguenots à la conversion. Et pour y parvenir, les dragons du Roi ne reculent devant rien : pillages, viols, coups… Des procédés violents passés à la postérité sous le nom de «dragonnades».

Pour empêcher l’exode de l’élite protestante, les tentatives de fuite sont lourdement réprimées : les hommes sont condamnés aux galères et les femmes au couvent. Pourtant, les huguenots sont nombreux à franchir les frontières. Si certains rejoignent les Pays-Bas, l’Angleterre, la Suisse, voire l’Afrique du Sud, beaucoup se dirigent vers l’Allemagne.

Vidée de sa population par la guerre de Trente ans, celle-ci voit l’arrivée des huguenots comme une aubaine et les princes font de la surenchère pour les attirer.

Allemagne, terre d’accueil

Par l’édit de Potsdam, le Grand Électeur Frédéric-Guillaume I er de Brandebourg leur offre la liberté de culte, une exonération d’impôts temporaire et un soutien financier. Lui-même calviniste, il entend venir en aide à ses coreligionnaires, tout en poursuivant des intérêts économique et politique. D’une part, il espère asseoir son pouvoir face aux nombreux luthériens, de l’autre, il entend relancer l’économie grâce à ces huguenots réputés être des artisans habiles.

Près de vingt mille d’entre eux s’établissent dans le Brandebourg, et notamment dans la nouvelle capitale, Berlin, qui, encore aujourd’hui, garde des traces de cette présence française (la Cathédrale française, la rue des Français…). Outre-Rhin, seul Vauban, soucieux des conséquences économiques de cet exode, adresse, sans succès, au Roi un «Mémoire pour le rappel des huguenots».

«Ces exilés issus de la bourgeoisie laborieuse vont faire la fortune de leur pays d’accueil, en particulier le Brandebourg, noyau de la future Prusse», écrit Alban Dignat sur Herodote.net. «Leur départ va par contrecoup appauvrir la France en la privant de nombreux talents. Ils vont aussi nourrir à l’extérieur les ressentiments contre la France et son monarque. Beaucoup s’illustreront dans les armées ennemies.» Comme lors de la guerre franco-prussienne de 1870…

D’abord un sobriquet !

En France, les protestants sont appelés les «huguenots». Un terme né dans la ville de Tours, selon l’une des hypothèses avancées. Là-bas, on racontait que, la nuit, le fantôme du roi Hugon rôdait dans les rues. Comme les protestants tenaient, en secret, des assemblées nocturnes, ils étaient surnommés les petits hugons. Ils se sont ensuite approprié ce sobriquet péjoratif, qui a pris une connotation positive.

Cet article est paru dans le Télépro du 10/2/2022

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