Histoire : les origines du miroir

La Galerie des glaces du château de Versailles, symbole de la puissance de Louis XIV © Getty
Giuseppa Cosentino Journaliste

Se regarder de pied en cap a longtemps été un luxe réservé aux plus nantis.

Examiner son reflet est un geste quotidien. Or, se mirer dans une glace n’a pas toujours été à la portée de tous les regards. Ce samedi à 18h15 sur Arte, le documentaire «Le Miroir, l’image de soi» retrace l’histoire de cet objet devenu usuel et qui a renversé nos habitudes.

Origines

Les premiers miroirs sont vieux de plusieurs milliers d’années. Les exemples les plus anciens datent de -6.000 avant notre ère et ont été retrouvés en Anatolie (actuelle Turquie). À l’époque, ceux-ci sont fabriqués avec des morceaux de pierre polie, comme l’obsidienne, un verre volcanique naturel.

Vers 4.000 avant J.-C., le miroir à surface métallique (cuivre ou bronze), plus réfléchissant, remplace la pierre. Seule ombre au tableau : il s’oxyde rapidement. Le miroir en verre n’a pas ce défaut. Mais ce n’est qu’au Ier siècle qu’il fait son apparition, comme le relate l’auteur romain Pline l’Ancien. Très petits (2 à 7 cm de diamètre), ces minuscules fragments de verre s’apparentent davantage à des amulettes qu’au miroir tel que nous le définissons.

Luxe

Dès la Renaissance, d’importants progrès sont réalisés. Les fabricants mettent au point une méthode plus évoluée recouvrant le verre d’un amalgame d’étain-mercure. Le miroir devient un accessoire de richesse et de décoration. Au XVIe siècle, une ville se distingue par son art : Venise. Les verriers vénitiens réalisent de grandes parois qui prennent le nom de «glaces». Ils vont propager leur savoir-faire dans toute l’Europe. La galerie des glaces du château de Versailles illustre la toute-puissance du monarque Louis XIV et de sa cour. Tandis que la plus haute aristocratie s’admire de la tête au pied, le paysan des campagnes, lui, a pour seul miroir… l’eau du ruisseau.

Changement

Ce n’est qu’à partir du XIXe siècle que le miroir, toujours élitiste, occasionnel et sédentaire, connaît un changement majeur. Le chimiste allemand Justus von Liebig, célèbre par ailleurs pour ses travaux agronomiques (on lui doit le bouillon de viande éponyme), découvre, en 1835, que l’argent peut se déposer sur du verre. Ce processus d’argenture permet de remplacer l’amalgame réputé toxique des anciens miroirs, tout en facilitant peu à peu sa commercialisation. Le miroir apparaît dès lors dans la plupart des foyers bourgeois.

Psyché délice

L’amélioration croissante du niveau de vie favorise la démocratisation des miroirs et ce, dans tous les milieux. Barbiers, coiffeurs ou magasiniers en tapissent leurs murs. À partir sur XXe siècle, les miroirs en pieds s’invitent dans toutes les chambres à coucher, puis dans les salles de bains. En un clin d’œil, ces «psychés», comme on les appelle, renvoient notre image dans son entièreté. Une image que l’on se plaît désormais à soigner, au quotidien.

Sept ans de malheur

Depuis l’Antiquité, le miroir est l’objet de superstitions. Les Grecs pensaient qu’il était le reflet de l’âme. D’autres y voyant des prisons pour démons. En se brisant, le miroir détruirait l’âme de celui qui s’y mire ou libérerait des forces obscures. Pourquoi sept ans de malédiction ? Les Romains considéraient qu’un individu évolue par «cycles de la vie» comptant sept années.

Narcisse

Éphèbe de la mythologie grecque, Narcisse était d’une extrême beauté. Mais, selon la prophétie, il ne devait jamais voir son visage. Poussé par la soif, le bellâtre surprit son reflet dans l’eau et en tomba fou amoureux. Au point de se laisser mourir de langueur. La fleur qui poussa sur le lieu de sa mort porte son nom. De ce mythe naquit le concept de «narcissisme» élaboré par Freud en psychanalyse.

Cet article est paru dans le Télépro du 3/6/2021

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