Histoire : le Masque de fer enfin démasqué ?
Depuis trois siècles, le prisonnier «dont le nom ne se dit pas» fait couler beaucoup d’encre. Aujourd’hui, le mystère se lève sur son identité.
Il est l’un des prisonniers les plus célèbres au monde, celui «dont nul ne sait le nom, dont nul n’a vu le front», selon les mots de Victor Hugo. Son histoire n’a eu de cesse d’inspirer la littérature – Voltaire et Alexandre Dumas, en tête – et le cinéma.
Plus de trois siècles après sa mort, les historiens pensent enfin avoir démasqué le Masque de fer, enfermé durant trente-quatre ans sous Louis XIV. Grâce à des archives récemment mises au jour, «Le Temps d’une histoire» (ce vendredi à 22h45 sur La Une) lève le voile sur cette énigme à l’origine de légendes farfelues.
Frère jumeau, espion italien…
Un frère jumeau de Louis XIV, un espion italien, Henri II de Guise, et même Molière ou D’Artagnan… Une cinquantaine d’hypothèses ont été émises sur l’identité de ce prisonnier.
Aujourd’hui, les historiens s’accordent sur son nom : Eustache Danger (ou Dauger, selon les orthographes) de Cavoye. Fils d’un capitaine des gardes de Richelieu et d’une dame d’honneur d’Anne d’Autriche (épouse de Louis XIII et mère de Louis XIV), Eustache Danger est un simple valet. Pourtant, en 1669, son destin bascule lorsqu’il est arrêté à Calais sur ordre du Roi-Soleil.
Geôlier attitré
Emmené à Pignerol (près de Turin), Eustache est emprisonné dans une forteresse alpine où se morfond déjà Nicolas Fouquet, surintendant des Finances. Il est placé sous la supervision d’un ancien mousquetaire, dit Monsieur de Saint-Mars.
Les instructions de Louvois, ministre de la Guerre, à ce dernier, qui restera son geôlier attitré durant toute sa captivité, sont très claires : «Il faudra que vous n’écoutiez jamais ce qu’il voudra vous dire, le menaçant toujours de le faire mourir s’il vous ouvre jamais la bouche pour parler d’autres choses que de ses nécessités.»
Pour autant, l’homme est bien traité, bien logé et bénéficie de tout ce dont il a besoin. Au gré des mutations de Saint-Mars, il est ballotté de prison en prison. De Pignerol, il est transféré à Exilles, puis sur l’île Sainte-Marguerite, au large de Cannes.
Au cours de ces différents transferts, ce mystérieux prisonnier, vêtu d’un masque tantôt d’acier tantôt de velours noir, commence à éveiller la curiosité.
Mort à la Bastille
En 1698, le Masque de fer connaît un ultime transfert vers Paris, où son geôlier est promu gouverneur de la Bastille. Il y rend son dernier souffle en novembre 1703 et est enterré sous le nom de Marchioly. «L’usage à la Bastille, parfaitement attesté à cette époque, est d’enterrer les prisonniers d’État sous des noms d’emprunt», écrit Jean-Christian Petitfils dans «Qui se cache derrière le Masque de fer ?» (Historia). «Pour se débarrasser des curieux, Saint-Mars a tout simplement donné à «l’homme dont le nom ne se dit pas» celui de son voisin de cellule, avec lequel la rumeur publique l’avait parfois confondu.»
Pour protéger son secret, ordre est donné d’effacer toutes traces de son passage : son mobilier est détruit et les murs de sa cellule sont grattés.
Motif ?
Mais si, aujourd’hui, son identité ne semble plus laisser de place au doute, quelle est la raison de cet enfermement ? L’hypothèse privilégiée est celle d’un secret menaçant d’ébranler la monarchie en révélant que Louis XIV n’était pas un Bourbon !
Pour éviter la répudiation si elle ne donnait pas d’héritier à la couronne, Anne d’Autriche aurait-elle eu comme amant François de Cavoye ? En effet, le Roi-Soleil, dont la dissemblance avec Louis XIII était évidente, présentait, en revanche, de troublantes similitudes avec ce demi-frère supposé. Reste maintenant à la science à apporter des preuves irréfutables…
Cet article est paru dans le Télépro du 11/11/2021
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