Histoire : la sanglante révolte des Taiping
Méconnue en Europe, la révolte des Taiping est l’un des conflits les plus meurtriers de l’Histoire et amorce, en Chine, plus d’un siècle de violences.
Pendant plus de deux mille ans, la Chine impériale réussit à se maintenir au rang des plus grandes puissances mondiales. Mais au milieu du XIXe siècle, elle entre dans une longue période de bouleversements, violences, révoltes et guerres, jusqu’à la chute du pouvoir en place, en 1911, au profit d’une République.
En marge du documentaire «La Chine, rêves et cauchemars» (samedi 20.35, La Trois) consacré à cette période tourmentée, zoom sur la révolte des Taiping, «un étrange et dramatique épisode, déterminant dans l’histoire chinoise moderne», selon l’historien Bernard Brizay.
Au XIXe siècle, la dynastie Qing, descendant des Mandchous, règne sur la Chine impériale depuis deux siècles. Xianfeng, puis Cixi, l’impératrice douairière (soit la veuve de l’Empereur), doivent alors composer avec un monde en pleine industrialisation et la montée en puissance de l’Europe coloniale.
Dans ce contexte, émerge, en 1851, la secte des Taiping. Dans le sud de la Chine où elle se développe, la rébellion gronde, initiée par son chef, un illuminé du nom de Hong Xiuquan.
Frère de Jésus
Originaire d’une province montagneuse de l’ouest de Canton, ce fils de paysans ambitionne de devenir fonctionnaire. Après quatre échecs aux examens impériaux, ce lettré, influencé par des missionnaires chrétiens, découvre la Bible et en acquiert la conviction qu’il est le frère de… Jésus-Christ !
Après s’être décerné le titre de «Roi céleste», Hong Xiuquan annonce l’avènement de son «Royaume céleste de la Grande Paix». Prônant une société plus juste et plus égalitaire, sans distinction de classes sociales et de genre, son mouvement enthousiasme des milliers de paysans, ouvriers, mineurs… Transformant sa secte en véritable armée, Hong Xiuquan se lance à l’assaut de la dynastie mandchoue.
Le 19 mars 1853, ces «rebelles aux cheveux longs» (ils rejetaient le port de la natte imposée par la dynastie mandchoue) s’emparent de Nankin, devenue capitale de leur État, dont les principes sont : abolition de l’esclavage, de la polygamie et de la vieille coutume consistant à bander les pieds des Chinoises ; égalité absolue entre hommes et femmes ; instruction obligatoire et ouverte à tous ; suppression de la propriété privée et répartition des terres, des récoltes, de l’argent…
Au siècle suivant, ce programme égalitaire et social sans précédent inspirera un certain Mao Zedong…
Alliance inédite
Engagée dans une Seconde guerre de l’opium contre les troupes occidentales, l’impératrice Cixi manque de vigueur pour mater cette rébellion qui dure et s’étend à de nombreuses provinces. Mais Hong Xiuquan commet l’erreur de s’attaquer au port de Shanghai.
C’est le point de départ d’une alliance inédite : le pouvoir impérial s’associe à ses ennemis occidentaux, dont les intérêts commerciaux sont alors menacés. Menée par l’aventurier américain Frederick Ward, puis par le général britannique Charles Gordon, cette «Armée toujours victorieuse», comme elle sera surnommée, met en déroute les rebelles Taiping.
En 1864, Nankin est repris et le Royaume céleste s’effondre, après le suicide de Hong Xiuquan. En treize ans, cette terrible révolte aura fait plus de vingt millions de morts, la plaçant parmi les guerres civiles les plus sanglantes de l’Histoire. Et si la dynastie Qing parvient à se maintenir au pouvoir, ce n’est qu’une question de temps pour qu’elle vacille à nouveau et définitivement cette fois…
Cet article est paru dans le Télépro du 2/2/2023
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