Histoire : la monnaie, une riche idée
Dès les débuts de l’Antiquité, l’Homme n’a cessé d’utiliser des objets pour échanger, jusqu’à l’apparition, en Lydie, de la monnaie frappée.
Selon les adages, il n’a pas d’odeur, ne fait pas le bonheur et gouverne le monde. En tout cas, une chose est sûre : l’argent est indispensable aux échanges commerciaux. Alors que TV5MONDE retrace lundi à 15h55 «Une histoire du franc CFA» (franc des colonies d’Afrique), penchons-nous sur les origines de la monnaie.
Dès les débuts de la sédentarisation, les Hommes ont pratiqué le troc, dont la principale contrainte est la «double coïncidence des besoins» : les deux parties ne peuvent échanger que si chacune désire ce que l’autre peut offrir. Ainsi, durant l’Antiquité, face aux limites de ce système, l’usage d’une proto-monnaie dans les échanges commerciaux s’impose à différents moments et endroits du monde.
Coquillage, orge, argent…
Tandis que la Chine, comme d’autres pays d’Asie et d’Afrique, emploie des coquillages (les cauris), les Mésopotamiens utilisent, au IIIe millénaire avant notre ère, l’orge comme monnaie et unité de compte. Mais cette denrée périssable ne peut être stockée indéfiniment et est difficilement transportable.
Après plusieurs siècles, l’orge est remplacée par une monnaie métallique : le sicle d’argent – l’or étant rare dans ces contrées. Petit à petit, des formes de monnaie similaires émergent dans d’autres régions, l’Égypte utilisant par exemple des anneaux de bronze.
Entre -650 et -600, une nouvelle monnaie apparaît dans le royaume de Lydie, dans l’ouest de la Turquie actuelle. En apparence anodine, cette invention va constituer une véritable révolution. Car cette pièce, une rondelle de métal précieux d’un poids précis et marquée sur les deux faces (symbole du Roi d’un côté et valeur de l’autre), est frappée par le pouvoir politique en place, qui en garantit la valeur et la teneur en métal.
La pièce de monnaie, au sens moderne du terme, est née ! «Presque toutes les pièces utilisées de nos jours descendent des pièces lydiennes», écrit Yuval Noah Harari dans «Sapiens. Une brève histoire de l’humanité» (Albin Michel).
Garantie par le Roi
L’initiative revient aux deux derniers souverains de la dynastie des Mermnades, le roi Alyatte II (roi de -610 à -561), et son fils Crésus (roi de -561 à -546), célèbre pour sa richesse. Utilisée pour commercer et payer leur armée, la créséide est frappée dans de l’électrum, un alliage naturel d’or et d’argent, obtenu par la fonte des pépites trouvées dans le fleuve Pactole, traversant la capitale Sardes.
Certes, cette monnaie frappée permet de faciliter les échanges en évitant l’étape de la pesée et rend les opérations courantes plus aisées, mais son avantage principal, selon l’historien Georges Le Rider («La Naissance de la monnaie», PUF), réside surtout dans les profits fiscaux qu’elle apporte à la dynastie – la valeur nominale étant supérieure à la valeur intrinsèque.
Si les Grecs, l’historien Hérodote en tête, reconnaissent l’invention lydienne, ils en sont toutefois les propagateurs. Et pour cause, le royaume de Lydie disparaît en 546, victime de la conquête perse. La monnaie se répand alors dans l’empire de Darius, le monde grec, puis le reste du bassin méditerranéen. En revanche, l’origine du mot (du latin «monere», conseiller) vient des Romains, précisément de la déesse romaine Junon Moneta, dont le temple abritait le premier atelier destiné à frapper les deniers de l’Empire.
Cet article est paru dans le Télépro du 15/2/2024
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