Histoire : d’où viennent la loterie et le tirage au sort ?
Le tirage au sort est un procédé vieux comme le monde. Ludique, mais d’abord politique et démocratique !
C’est l’un des rituels de «Koh-Lanta» : les candidats qui tirent une boule blanche participent au jeu, ceux qui tirent une noire en sont exclus. Le procédé est vieux comme le monde. Dans la Grèce antique, une machine à boules noires et blanches tirait déjà au sort les citoyens appelés comme jurés au tribunal d’Athènes.
Mais c’est à Venise que le tirage au sort va s’imposer en maître, tant dans la vie politique qu’au quotidien. De cette pratique, nous avons aussi hérité le… lot. Un sujet passionnant à découvrir samedi à 18h15 sur Arte, dans «Faire l’histoire».
Main innocente
Dans la Sérénissime république de Venise, le pouvoir était détenu par quelques familles nobles qui élisaient un doge à leur tête. Une élection classique risquait cependant de favoriser toujours les mêmes. Pour éviter que quelques-uns s’emparent du pouvoir, le processus électoral laisse donc une place au hasard. Le doge est élu par le Grand Conseil, dont les membres sont choisis par neuf tours successifs de votes et de tirages au sort. Ici, les boules ne sont pas noires et blanches, mais en cuivre et en or. Un enfant (le «ballotino»), choisi au hasard dans la basilique Saint-Marc, procède au tirage. C’est la fameuse «main innocente». Certaines fraudes ont pourtant lieu. Des boules sont chauffées, d’autres refroidies, et l’enfant est discrètement prié de choisir les unes ou les autres.
Gros lot du loto
Une fois la tricherie révélée, les boules métalliques seront remplacées par des balles en coton. Mais globalement, le système fonctionne. C’est même grâce à lui que la République de Venise réussit à se maintenir durant un millénaire, avant d’être vaincue par Bonaparte en 1797. À Venise, le tirage au sort fait partie de la vie. La guilde des pêcheurs, par exemple, attribue les zones de pêche par tirage au sort. Et puis, c’est à Venise que nait le loto. Le principe de la loterie existait, mais les Vénitiens mettent au point le tambour et les billes numérotées que l’on connait toujours aujourd’hui. Les heureux vainqueurs repartent avec un joli lot : un lot(t)o, en italien.
Arnaques et profits
Dès son apparition, le loto connait un immense succès populaire. Il s’exporte rapidement en France et en Angleterre. D’abord interdit, il devient ensuite monopole d’État. Les autorités veulent éviter la triche et les arnaques, mais surtout en tirer profit ! En Belgique, la Loterie est fondée en 1934. Elle n’est pas encore Nationale mais Coloniale. Après le krach boursier de 1929, notre pays a besoin de liquidités pour sa colonie. Le premier tirage a lieu le 18 octobre 1934, dans un Cirque Royal bondé, qui se lève comme un seul homme aux premières notes de «La Brabançonne»…
Jurés et conscrits
Le tirage au sort s’est aussi immiscé dans les rouages de l’État. Il y a d’abord eu la conscription : le tirage au sort des jeunes hommes que l’on allait envoyer au service militaire. Et aujourd’hui comme dans le Grèce antique, c’est toujours par tirage au sort que sont désignés les citoyens appelés à siéger comme jurés en cour d’assises.
Site à consulter : www.museedelaloterie.be
Voter ou piocher
Le renouvellement de la démocratie passera-t-il par le tirage au sort ? L’habitude laisse à penser que le suffrage universel est le mode d’élection le plus démocratique. Tout le monde peut voter… mais uniquement les personnes qui se présentent. Or, ce sont souvent les mêmes ! Certains estiment dès lors qu’un tirage au sort serait davantage démocratique. Chacun aurait sa chance de participer à la chose publique, et cela supprimerait la compétition dans la vie politique. L’idée la plus réaliste à ce jour est celle d’un système mixte : une assemblée de citoyens tirés au sort aux côtés des élus. Certaines initiatives existent, notamment en Communauté germanophone.
Cet article est paru dans le Télépro du 10/6/2021
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