Histoire : depuis quand doit-on rentrer une déclaration d’impôts ?

Chaque année, c'est la même corvée... © Getty
Stéphanie Breuer Journaliste

Chaque année, le Belge est tenu de déclarer ses revenus. Une obligation née il y a tout juste un siècle. 

«Chaque contribuable travaille au profit de l’État sans avoir eu besoin d’être recruté», ironisait l’ancien président américain Ronald Reagan. Si, en Belgique, l’impôt sur le revenu a un siècle d’existence, la taxation du citoyen est beaucoup plus ancienne. Samedi à 18h15 dans «Faire l’Histoire» sur Arte, Patrick Boucheron retrace l’histoire de l’inquisition fiscale.

Dès l’Antiquité, un système de taxation sur les terres et les biens est mis en place dans les sociétés chinoise, grecque, égyptienne, romaine… Athènes, par exemple, taxe ses citoyens, mais n’impose pas d’impôt direct, sauf lors d’événement exceptionnel : en cas de guerre, l’«eisphora», fondé sur le capital, était prélevé.

Guerre et impôt

«À partir du XIIe siècle, l’Europe tout entière est gagnée par une obsession comptable qui accompagne le développement des communes et des États», nous apprend le magazine d’Arte. «En France, en Italie, en Castille, en Angleterre, comme ailleurs, cela se traduit par la multiplication de documents fiscaux destinés à inventorier, mesurer, cartographier les richesses pour mieux pouvoir les taxer.»

En l’absence d’impôt direct sur le revenu, les États s’appuient sur des taxes et des impôts pesant essentiellement sur la consommation. Des impôts absurdes voient le jour : la gabelle (sur le sel), un impôt sur l’urine à Rome, une taxe sur la barbe en Angleterre…

La dîme saladine, premier impôt à frapper tous les citoyens, naît en 1188. Instaurée par les rois d’Angleterre et de France, elle sert à financer la troisième croisade contre le chef musulman Saladin.

Quant à la taille, à l’origine de l’expression «taillable et corvéable à merci», elle est l’ancêtre de notre impôt sur le revenu. Elle passe de seigneuriale à royale et permanente à la fin de la guerre de Cent Ans, mais le clergé et la noblesse en sont exemptés.

Ainsi, guerres et impôts ont longtemps été liés : les États taxent pour financer leurs campagnes et les contestations face à l’impôt s’estompent face à l’urgence du conflit.

Révolution fiscale

Mais les taxes de l’Ancien Régime, jugées arbitraires et inégalitaires, ne résistent pas à la Révolution française de 1789, qui donne naissance à la fiscalité moderne. Selon la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen, une «contribution commune est indispensable» et doit être «répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés».

Dès 1842, la Grande-Bretagne instaure l’«income tax», un impôt progressif sur les revenus. Elle est suivie par d’autres pays européens. La France franchit le pas en 1914, après des années de débats.

En Belgique, ce n’est qu’au sortir de la Première Guerre mondiale que Jules Ingenbleek, secrétaire du Roi et conseiller du gouvernement, préconise un nouveau système de taxation reposant sur tous les revenus. Cette grande réforme fiscale est adoptée par le gouvernement de Léon Delacroix.

«Les lois fiscales héritées de l’Ancien Régime : contribution foncière, contribution personnelle, patente qui ont traversé tout le XIXe siècle sont ainsi abolies et remplacées par la loi du 29 octobre 1919 (…)», écrit Eddy Felix dans «Jules Ingenbleek, le père de la première réforme fiscale belge» (Revue belge de la comptabilité). «Avec la nouvelle loi entrée en vigueur le 1er janvier 1920, la Belgique sera le dernier des pays industrialisés à introduire l’impôt progressif sur les revenus, mettant fin à un siècle d’immobilisme fiscal.»

Cet article est paru dans le Télépro du 14/10/2021

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